Les quatre éléments 2 - Dispersion

Chapitre 20 : Jason et Helena

PDV JASON

Je me suis arrêté près d'un ruisseau profondément bouleversé par ce que je venais d'apprendre. Je savais déjà qu'Enlécécar est mon père et savoir que j'ai une mère, Helena, n'est pas si surprenant. Mais apprendre que j'ai une sœur, ce fut un choc. Étant enfant unique, je n'ai aucune idée de ce qu'est la vie avec une sœur. En plus, c'est une dragonne qui crache des flammes ! De quoi faire peur à n'importe qui. Quelle sera la vie avec elle ? Est-ce qu'on va bien s'entendre ou est-ce qu'on va se détester ? Comme elle a beaucoup d'expérience magique et qu'elle a vécu avec Enlécécar et Helena depuis plus longtemps que moi, peut-être qu'elle voudra démontrer que c'est encore elle qui décide de tout.

— Aeson ?

Je reconnus mon « nom divin » et la voix d'Helena. Ne voulant pas la contrarier, je décidai de me retourner. De toute façon, elle sait que je l'ai entendue.

— Que voulez-vous ? lui demandais-je
— Savoir ce qui t'arrive, répondit la déesse
— Vous le savez très bien.

Je me transformai en renard et m'éloignai, dans l'espoir qu'elle décide de me laisser aller. Je dus avoir sous-estimé cette envie d'Helena de se mêler de tout puisque j'entendis des pas me suivre. Elle a sûrement pris sa forme animale elle aussi.

Je repris forme humaine près d'une rivière et m'asseyais sur un rocher. Rien ne sert de courir, elle va me rattraper de toute façon. Je l'entendis reprendre forme humaine, elle aussi.

— Je sais que vous êtes là, dis-je. Tout ce que je veux, c'est être seul.
— Tu ne veux pas voir ta sœur ? me demanda Helena.

Ce n'est pas l'envie qui manque ! Bien sûr que j'aimerais la voir, mais surtout, je voudrais la rencontrer. J'aurais voulu être mis au courant de son existence quand Enlécécar s'est présenté à moi pour la première fois. J'aurais aimé savoir qu'elle existe.

Les moments de solitude ressurgirent dans mon esprit. Les fois où tout le monde parlait de sa famille si chaleureuse et unie, mes amis qui ont des frères et des sœurs et qui étaient si fiers de dire ce qu'ils avaient appris grâce à l'aîné qui joue au badminton ou ce qu'ils ont montré au cadet qui les idolâtre.

— J'ai souvent eu besoin d'une sœur, répondis-je. Mais j'ai grandi enfant unique, je n'en ai plus besoin maintenant.
— Mais elle, elle a encore besoin de toi. Et elle t'aurait dit qui elle était bien avant. C'est le roi, ton père et moi qui étions en désaccord.

Ce fut la goutte qui fit déborder le vase ! Comment peut-on prétendre aimer ses enfants et vouloir les voir heureux et leur cacher qu'ils ont un frère et une sœur ? Ça n'a aucun sens !

Furieux, je me levai et quittai l'endroit où nous étions d'un pas rapide.

— Aeson, écoute-moi, dit-elle en me saisissant par le poignet.
— Je m'appelle Jason, répliquais-je d'un ton sec.

Je me transformai en renard et courus le plus vite que je peux. Afin de ne pas répéter la même erreur qu'un peu plus tôt, je trouvai le couvert des arbres afin de m'aider à me cacher. Cependant, je sentais que ce n'était pas assez et qu'Helena pourrait me rattraper si je restais sur un chemin aussi prévisible. Je trouvai un petit trou suffisamment grand pour y cacher un renard, mais dans un coin assez camouflé pour qu'il ne saute pas aux yeux de quelqu'un qui passe rapidement. Je m'y engouffrai et attendis sans bouger et sans faire de bruit. J'entendis des battements d'ailes, puis, plus rien. Je sais pertinemment que ce n'est pas un signe qu'Helena est partie. J'attendis encore quelques minutes et, une fois presque cent pour cent certains que personne ne viendrait, je sortis de ma tête. Ne voyant la déesse-griffon nulle part, je sortis de ma cachette.

Maintenant que j'ai la paix, je ne sais pas si je veux aller rejoindre mes amis tout de suite. Je pense que je vais profiter de ce moment avec moi-même. Alors que je me couchais sur le sol, je sentis une présence à proximité. Je retins un souvenir et me levai, prêt à faire face à peu importe qui ou quoi venait me déranger. Je reconnus ma sœur, Gabrielle-Anne.

— Viens, Gabrielle-Anne, l'appelais-je.

Je ne veux pas qu'elle ait peur de moi. Une part de mon être souhaite faire connaissance avec elle. Intérieurement, je sens que j'ai toujours voulu avoir un frère ou une sœur dans ma vie et j'en ai enfin l'occasion, si elle veut de moi dans sa vie elle aussi.

Elle s'avança tranquillement. Ses pas incertains contrastent avec son habituelle assurance.

— Mère te cherche, me dit-elle
— Je ne veux pas la voir, répondis-je
— Pourquoi ?
— J'en veux à nos parents de t'avoir empêché de venir me voir.
— Ne t'en fais pas Aes... Jason.

Je ne pus m'empêcher de sourire à la mention de mon nom. Ça peut sembler anodin, mais me faire appeler par mon nom par quelqu'un qui vient de ce monde céleste et divin me fait le plus grand bien.

— Tes amis sont inquiets eux aussi, ajouta-t-elle
— Merci de m'avoir informé.

Alors qu'elle allait partir, je l'interpellai :

— Gabrielle-Anne ?

La jeune fille se retourna.

— Oui ?
— Désolé pour tout à l'heure. Si j'ai semblé t'avoir rejeté. J'étais juste sous le choc.
— J'aurais probablement agi ainsi moi aussi.

Ma décision était prise et ma discussion avec ma sœur me fit le plus grand bien.

— Rentrons, dis-je

Je me transformai en renard et ma sœur prit sa forme de dragon. Quelques minutes plus tard, nous rentrâmes au campement. Je pris mon temps pour calmer les inquiétudes de tout le monde et, après avoir mangé, j'allai me coucher. La journée m'a épuisé.