Chapitre VIII - Confession

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CHARLOTTE FERMA SES yeux et sourit. Maximilien. Même son prénom était parfait.

- Maximilien, murmura-t-elle en appréciant chaque syllabe.

Elle se remémora son sourire et sentit une légèreté l'envelopper. Comme il était beau ! Et sa voix ! Sa voix ! Rauque et profonde, elle était si agréable à écouter ! Il avait ce don de captiver les gens avec. Elle aurait pu l'écouter parler durant des heures sans se lasser pour un instant. Comme c'était dommage qu'elle ait dû le renvoyer de sitôt. Charlotte rouvrit ses yeux et monta les escaliers d'un pas rapide et agile. Oh, comme elle aimait Maximilien ! Tous ses efforts de l'oublier et de faire taire ses sentiments envers lui s'étaient avérés inutiles, elle était bien trop amoureuse de lui pour y réussir. Elle traversa le corridor presque en courant et entra dans sa chambre.

- Sophie, s'écria-t-elle, je suis amoureuse !

Élevée aux côtés de sa Maîtresse depuis sa tendre enfance, la jeune servante ne put s'empêcher de s'exclamer de surprise.

- Amoureuse ? Et de qui donc, Mademoiselle ?

Charlotte ferma la porte derrière elle et alla s'asseoir sur son lit en l'invitant à la rejoindre.

- Vous ne le raconterez à personne n'est-ce pas ?

- Jamais de ma vie, vous avez ma parole, jura Sophie en s'installant à côté d'elle. Qui est donc l'heureux élu ?

Charlotte lui fit signe de se pencher et lui souffla dans l'oreille :

- Maximilien.

- Le jeune Nègre que nous avons soigné il y a deux semaines ? s'écria la servante en écarquillant ses yeux. Mais il est un esclave !

- Je sais bien qu'il est un esclave, c'est pour cela que je vous ai demandé de ne le dire à personne.

- Vous aimez un esclave ? répéta-t-elle en la dévisageant, stupéfaite. Depuis quand ?

- Depuis que je l'ai vu la première fois au marché des esclaves.

Charlotte regarda Sophie avec l'espoir de la voir se réjouir à son tour. Elle avait toujours été sa confidente et sa complice et ce fut avec étonnement qu'elle la dévisagea secouer sa tête.

- Vous faites une grosse erreur de vous éprendre de lui. La fille d'un riche planteur ne peut pas tomber amoureuse d'un Nègre. Qu'en penseront les autres ?

Sa réaction prit la jeune fille au dépourvue. Jamais elle ne s'était attendue que Sophie réagisse aussi négativement à Maximilien en étant elle-même noire.

- Je ne planifie pas de l'épouser, je le trouve beau et admire sa force de caractère mais c'est tout, se défendit-elle.

- C'est donc pour cela que vous l'avez recueilli après qu'on l'ait sorti de la boite et que vous avez éclaté en sanglots après que vous vous êtes disputés.

Elle opina.

- Ce n'était pas seulement pour le remercier que vous l'avez fait venir aujourd'hui, vous vouliez le voir.

Charlotte acquiesça de nouveau. Elle leva lentement son regard sur Sophie et vit qu'elle la dévisageait avec désapprobation. Ses yeux noirs étaient choqués, voire outrés par sa déclaration.

- Mademoiselle, si vous me permettez de dire mon avis...

- Nul besoin, je le connais déjà, la coupa-t-elle, selon vous de devrai l'effacer de ma mémoire et ne plus repenser à lui.

- Je... Oui, c'est en effet ce que je pense, agréa la servante.

Le rouge monta aux joues de Charlotte. Elle serra ses lèvres et baissa son regard sur ses mains enlacées sur ses genoux. Oublier Maximilien, ce n'était pas comme si elle n'avait pas essayé ! Et pourquoi devait-elle le faire ? Parce qu'elle était blanche et lui noir ? Et alors ? Il ne l'aimait pas de toute façon. Quelle différence pouvait-il y avoir si elle avait un penchant pour lui ? Aucune.

- Et moi qui espérais que vous au moins me comprendriez, lâcha-t-elle.

- Pardonnez-moi, Mademoiselle, si je vous ai blessée c'est juste qu'aimer un esclave? Je veux dire tomber amoureuse d'un jeune homme désargenté ou même d'un tueur à gages est une chose mais d'un Nègre ! Il est très beau, c'est vrai, mais ne vous a-t-il pas manqué de respect ?

- Il s'est excusé quand il m'a porté chez moi.

Sophie la dévisagea avec compassion et posa sa main sur son bras.

- L'aimez-vous vraiment ? demanda-t-elle doucement.

- Oui, souffla Charlotte, j'ai essayé de ne pas penser à lui mais il revient chaque fois dans mon esprit.

- Est-ce qu'il partage vos sentiments ?

- Non, il m'a clairement fait savoir qu'il ne veut rien avoir à faire avec moi, soupira-t-elle. Je sais que c'est stupide de m'attacher à quelqu'un avec lequel je n'ai aucune chance mais je ne peux pas m'empêcher de me sentir attirée à lui.

- Mais aimer un esclave...

- Et alors qu'il est un esclave ! s'écria Charlotte en faisant sursauter sa domestique. Il n'est pas moins humain qu'un tout autre jeune homme de dix-huit ans !

- Je n'ai pas dit qu'il n'est pas humain, Mademoiselle, je suis la première personne à le savoir mais je ne suis pas sûre que votre père sera du même avis.

- Mais je ne planifie pas d'avoir une relation avec lui ! Il ne m'aime pas ! s'indigna-t-elle en se levant.

Elle s'approcha de la fenêtre et pressa son front contre la vitre. Pourquoi avait-elle proposé à son père d'acheter Maximilien ? Sa vie n'aurait pas changé et serait restée calme et monotone si elle avait choisi un autre esclave. Elle se mordit les lèvres et regarda à l'extérieur. Le soleil brillait fort haut dans le ciel azur. Non, elle ne pouvait pas dire cela. Il aurait pu être acheté par un maître cruel qui l'aurait forcé à travailler quinze heures par jour, ne lui aurait pas donné assez à manger ou l'aurait exécuté pour sa tentative de fuite. Malgré la cruauté de sa punition, il avait eu le droit de se faire décemment soigner. Ce n'était pas de sa faute qu'elle se fut éprise de lui. C'était son problème et non, le sien.

- Je suis désolée de vous avoir attristée, retentit la voix de Sophie derrière elle.

- Vous n'y êtes pour rien.

Charlotte ferma ses yeux et soupira. Elle revit le Maximilien auquel elle avait parlé en bas, souriant et détendu, et sentit son cœur se serrer. Même dans le cas où il l'aimerait, tout amour entre eux resterait impossible, sur ce point Sophie avait raison. Une blanche ne pouvait en aucun cas avoir une relation avec un noir. Elle avait tellement voulu raconter à sa servante sa conversation avec Maximilien mais comprenait qu'elle ne l'approuverait pas.

- Mademoiselle, c'est pour votre bien que j'ai parlé ainsi.

- Je sais, Sophie, ne vous en faites pas.

- Voulez-vous que je vous apporte quelque chose ?

- Non, merci, je vais bien, ne vous inquiétez pas, répondit Charlotte en passant ses mains dans ses cheveux pour chasser toutes pensées de Maximilien.

Elle se retourna et alla prendre un livre au hasard sur son étagère. Il lui fallait se changer les idées.

Charlotte et MaximilienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant