Chapitre XVII - Père et fils

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- ET À DROITE vous pouvez voir un autre champ de cannes à sucre, dit Charles en montrant la vaste étendue de terre d'un geste de la main.

- Vous avez une très grande plantation. Les récoltes doivent vous rapporter beaucoup d'argent.

- En effet surtout lorsque la demande en rhum est élevée. Nous avons une récolte chaque deux mois car je préfère garder des champs en réserve en cas d'un imprévu. Cela permet aussi aux esclaves d'avoir un temps de travail régulier qui les fatigue moins.

- C'est très généreux de votre part, je suis certain qu'ils vous sont attachés. Les Nègres sont comme les enfants, plus on les chérit et plus ils nous aiment, s'esclaffa Louis.

- Ce qui est vrai est vrai. Mes esclaves ne peuvent pas se plaindre de cruauté. Ils travaillent que neuf heures par jour, six jours par semaines et ont deux jours de repos par mois en plus des dimanches. Plusieurs planteurs préfèrent être exigeants mais je trouve que ma technique est plus rentable car elle permet d'avoir une main d'œuvre reposée et donc plus productive.

- Je ne sais pas, selon moi rien de mieux qu'un bon fouet pour garder le rythme de travail désiré.

Charles opina quoiqu'il n'était pas totalement d'accord mais cela ne le concernait pas. La journée était plutôt belle malgré l'humidité causée par la pluie qu'il y avait eu le matin. Le ciel s'était dégagé et une brise fraîche rendait l'air moins lourd. Charles lança un regard autour de lui et sourit ; tout était en ordre, les Nègres travaillaient et les gardiens parcouraient les champs sur leur cheval en les surveillant.

- Combien d'esclaves avez-vous ?

- Autour de deux cents. Vous ?

- À peu près le même nombre.

Ils s'approchèrent d'un groupe d'esclaves qui était occupé à ramasser des cannes à sucre fraîchement coupées. Leurs gestes étaient rapides et précis ce qui fit plaisir à Charles. Il n'était pas du type à se vanter mais aimait quand les autres planteurs voyaient sa plantation.

En les voyant arriver, les esclaves relevèrent leur visage et se redressèrent afin de les saluer ; ce n'était pas chaque jour que leur Maître se rendait dans les champs. Les femmes lissèrent rapidement leur jupe froissée qui à force d'être portée avait fini par adopter une teinte grisâtre et exécutèrent une révérence. Les hommes inclinèrent leur tête. 

- Monsieur de la Vallières ! Que me vaut l'honneur de votre visite ? s'écria Nicolas Leclerc en sautant de son cheval.

Âgé de dix-neuf ans il était le plus jeune gardien qui travaillait pour lui. Connu pour son indulgence, il était apprécié par les esclaves bien que les autres gardiens le critiquaient pour son manque d'intransigeance.

- Bonjour, Leclerc, je te présente Louis de la Soisson, propriétaire d'une plantation de coton. Je lui fais visiter nos champs, répondis Charles.

- Nicolas Leclerc, enchanté de vous rencontrer, se nomma-t-il en serrant la main de Louis.

- De même. Je présume que vous êtes un gardien ?

- Oui, je le suis depuis un an.

Il opina et porta son attention sur les Nègres qui avaient recommencé à travailler. Charles suivit son regard et ressentit de la fierté envers l'image positive qu'offrait sa propriété.

- Charles, l'esclave qui est là-bas à droite vous l'avez depuis combien de temps ?

- Lequel ?

- Le jeune qui travaille tout seul.

- Ah Maximilien ? Depuis cinq mois. Pourquoi, vous le connaissez ?

Charlotte et MaximilienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant