UNE LÉGÈRE BRISE souffla en faisant remuer l'herbe et bruisser les feuilles. Maximilien ferma les yeux et inspira profondément. L'air était frais et sentait agréablement la rosée, la terre et l'écorce. Parfois quand il s'imaginait la liberté, il lui associait cette odeur, le parfum de la forêt. Le bois avait toujours été le seul endroit où il pouvait être lui-même sans craindre d'être puni ou d'attrister sa mère. C'était un lieu où personne n'était là pour lui crier dessus et où il ne devait pas cacher sa colère ou sa déception. Étant né esclave et en plus d'un maître cruel et sans pitié, il n'avait jamais connu un jour de liberté mais les rares fois où il réussissait à finir le travail plus tôt pour aller nager dans la rivière proche des champs, dormir à l'abri du soleil sous un arbre ou tout simplement regarder les nuages défiler dans le ciel, lui donnaient un soi-disant sentiment d'être libre qu'il chérissait.
Il ouvrit les yeux et leva son regard sur l'énorme chêne qui se dressait devant lui. Haut et large avec un épais feuillage et de grosses racines qui sortaient de la terre, il était impressionnant et majestueux mais sans être intimidant ce qui lui plu. Il voulait un endroit tranquille et isolé pour venir se recueillir quand les regrets et les souvenirs transformaient son esprit en un champ de bataille un peu comme il l'était présentement. Une arrière-pensée rationnelle lui disait bien qu'il n'était pour rien dans la mort de sa mère mais il refusait d'y croire. Si ce n'était pas pour son impulsivité, elle aurait encore été de ce monde. À cette pensée, son cœur de serra et il baissa sa tête en soupirant. Et pourquoi avait-il dû s'enfuir ? Espérait-il vraiment réussir à semer les hommes de son ancien maître ? Quel idiot il avait été ! Même dans le cas où il n'aurait pas été rattrapé, qu'aurait-il fait sans argent dans une ville où il ne connaissait personne ?
Bon voilà qu'il recommençait à pleurnicher sur son sort. Il serra la croix qu'il tenait dans ses mains jusqu'à rendre ses jointures blanches et se mordit furieusement les lèvres. Le goût du sang remplit sa bouche mais il s'en ficha, ce n'était pas comme s'il méritait la tendresse. En tout cas, pas du point de vue de Charlotte de la Vallières.
Un mince sourire se peignit sur ses lèvres à la pensée de la jeune fille. Depuis qu'il était arrivé sur la plantation de son père, elle s'était montrée bienveillante et attentionnée envers lui malgré son sale caractère. Pour la première fois de sa vie il avait une amie, quelqu'un avec lequel il appréciait discuter et qui ne l'irritait pas. Sa mère aurait été tellement fière de lui si elle l'aurait su, l'une de ses plus grandes déceptions ayant été son refus total de lier des amitiés avec qui que ce soit. Elle s'était toujours attristée de le voir passer ses journées à l'écart des autres enfants.
Maximilien s'agenouilla devant le chêne et planta la croix qu'il avait confectionnée plus tôt dans la terre. Elle était assez petite, ne mesurant pas plus d'une trentaine de centimètres de hauteur, et composée de deux branches solidement attachées ensemble par de la ficelle. C'était peu, il le savait, mais il avait besoin de rendre cet hommage à sa mère. Une boule se forma dans sa gorge au souvenir de sa voix douce et de sa caresse sur sa joue et il plissa ses yeux pour ne pas pleurer. Non, il n'allait pas verser de larmes, pas maintenant, pas le lendemain, jamais. Il n'avait eu qu'à penser deux fois avant de s'enfuir. Cela faisait exactement cinq mois qu'elle était morte, cinq longs mois douloureux qu'il ne lui avait pas parlé et ne l'avait pas revue. Non, il n'allait pas pleurer. Non ! Il serra ses dents et enfonça ses ongles dans ses paumes.
- Elle vous manque beaucoup, retentit soudain une voix derrière lui en le faisant sursauter.
Il se redressa brusquement et se retourna, prêt à affronter le gardien ou l'esclave qui l'avait surpris mais vit la Maîtresse.
- Oh, ce n'est que vous, Mademoiselle, soupira-t-il en passant sa main sur son visage.
- Je suis désolée de vous avoir fait peur. Je passai par là et ai pensé que vous vous sentiez mal en vous voyant au sol. Pardonnez-moi de vous avoir dérangé. Je vais vous laisser.
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Charlotte et Maximilien
RomanceMaximilien est un métis, né bâtard d'une mère noire et d'un père planteur, esclave illettré et d'un caractère farouche et rancunier. La veille de son dix-huitième anniversaire, il décide de s'enfuir mais est rattrapé et condamné à cent coups de foue...