- Êtes-vous sûre qu'il vous aime, Mademoiselle ? s'enquit Sophie en s'asseyant en face d'elle sur son lit.
- J'en suis certaine. Je n'ai jamais vu un homme me dévisager avec autant d'affection. Nous nous sommes tenus tellement proche l'un de l'autre qu'il aurait pu m'embrasser, raconta Charlotte.
- L'a-t-il fait ?
- Non, il est parti en disant qu'on risque de nous surprendre, soupira-t-elle. Je voyais cependant son désir dans ses yeux, Sophie ! Je le voyais !
- Il est prudent votre Maximilien, remarqua son amie. C'est une bonne qualité qu'il a.
- La prudence est loin d'être sa seule qualité.
Charlotte se laissa tomber sur ses oreillers et ramena ses mains derrière sa tête. Elle était contente de pouvoir enfin partager ses sentiments avec sa meilleure amie. Depuis ce matin, elle n'arrêtait pas de repenser à sa rencontre avec Max. Elle était à présent certaine qu'elle ne lui était pas indifférente et en jubilait de l'intérieur.
- Si vous saviez à quel point il est merveilleux, Sophie. Il est tellement bon, tellement prévenant. Vous aviez dû le voir quand je lui ai proposé de lui apprendre à lire ; il était si content. Son sourire est toujours si rayonnant et sincère. J'ai parfois l'impression qu'il attend nos rencontres pour pouvoir enfin être lui-même sans craindre d'être puni.
- D'après vos récits c'est fort possible qu'il se détende auprès de vous. Je n'ai encore jamais rencontré un esclave qui se soit senti rabaissé en se tenant à vos côtés.
Ce qui était vrai était vrai. Contrairement à sa famille, Charlotte n'humiliait et ne criait jamais sur leurs esclaves. Elle réentendit les insultes du gardien qui avait fouetté Max et sentit son cœur se serrer. Il ne s'était pas gêné de le traiter de canaille et d'idiot alors que c'était à cause de lui qu'il travaillait lentement. Ce qui la déchirait d'autant plus était qu'il ne prêtait pas attention à ses paroles blessantes ; indifférence qui pouvait être expliquée que par l'habitude. Aucun humain ne devait s'accoutumer à se faire insulter mais lui l'était. Elle revit son dos meurtri et ses marques gravées à jamais sur son corps et se mordit les lèvres. Les insultes n'étaient rien à comparer des châtiments qu'il subissait.
- Quelque chose ne va pas, Mademoiselle ? demanda Sophie. Vous vous êtes attristée tout d'un coup.
- Cela me fâche de penser que malgré nos sentiments communs, toute relation entre nous reste impossible. J'en peux plus de le regarder se tuer au travail sans pouvoir rien y faire. Quand je vois le champ de bataille qu'il a sur le dos, je regrette de ne pas être née fée pour pouvoir l'effacer d'un coup de baguette magique. Vous ne pouvez pas vous imaginez à quel point c'est terrible de trouver la personne qui vous est si chère gésir inconsciente et ligotée par terre avec l'odeur de son sang empoisonnant l'air autour de lui.
- Vous parlez de la fois quand il a été fouetté ? s'enquit doucement Sophie.
- Oui, répondit Charlotte. Je n'oublierai jamais ses gémissements que j'ai entendus avant d'avoir pu intervenir. Ce n'était pas la première fois que je tombais sur un gardien en train de fouetter un pauvre esclave mais découvrir Max soumis à la cruauté de ce monstre...
- Je comprends votre colère, Mademoiselle, cela a dû être un moment difficile.
- Ce qui me déchire le plus est que je peux seulement jouer le rôle du spectateur dans cette situation.
- Pas totalement, c'est bien vous qui l'avez soigné après sa punition, dit Sophie.
- Vaut mieux prévenir que guérir, murmura Charlotte en soupirant.
Le soigner n'était pas assez. C'était la même chose que de briser un vase, le réparer puis le briser de nouveau. Aussi habile que le réparateur était, mieux valait ne pas le briser dès le début. Elle avait déjà sauvé son ami de la mort mais les nuits passées à le veiller n'avaient rien fait pour empêcher le gardien de le fouetter.
Elle devait paraître vraiment préoccupée car Sophie posa sa main sur son bras et prononça :
- Je suis certaine que Maximilien vous est très reconnaissant pour l'aide et le soutien que vous lui apportez.
- Ce sont les moindres des choses que je peux lui offrir.
- Ne sous-estimez pas votre amitié, Mademoiselle. C'est la première fois qu'il rencontre quelqu'un qui l'apprécie pour qui il est et non pour ce qu'il est capable de faire.
Charlotte esquissa un sourire. Son amie disait vrai. Elle était bien-sûr attirée par ses bras musclés et son ventre plat et dur mais c'était son courage et sa force de vivre qui la séduisaient le plus. Il avait été le seul esclave à garder sa tête haute malgré sa nudité et ses chaînes lors de sa vente et ce fut ce refus total de soumission qui la fit tomber en amour avec lui.
- Que me conseillez-vous de faire, Sophie ?
- Je n'ai malheureusement aucun conseil à vous donner, Mademoiselle, répondit-elle. En dépit de mon acceptation de votre amour envers Maximilien, je reste de l'avis que vos sentiments sont interdits et peuvent apportez à vous et à votre ami beaucoup d'ennuis.

VOUS LISEZ
Charlotte et Maximilien
RomanceMaximilien est un métis, né bâtard d'une mère noire et d'un père planteur, esclave illettré et d'un caractère farouche et rancunier. La veille de son dix-huitième anniversaire, il décide de s'enfuir mais est rattrapé et condamné à cent coups de foue...