Chapitre XVI - Nuit difficile

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MAXIMILIEN S'ASSIT sur son lit et entreprit à déboutonner sa chemise. Elle était vieille et usée ce qui le forçait à prendre son temps pour ne pas arracher un bouton par mégarde. Ayant terminé, il la fit glisser de ses épaules et la lança sur le tabouret qui se trouvait en face de lui. Il se débarrassa de ses chaussures qui étaient faciles à enlever en étant légèrement trop grandes pour lui et se coucha.

La journée qu'il avait passé avec la Maîtresse lui avait énormément plu. Il étira ses jambes, ramena ses bras derrière sa tête et sourit. Nager avec un alligator ; mais quelle image de lui il était en train de donner ! Avait-il d'autres histoires aussi impensables à lui raconter ? Il fronça ses sourcils et chercha dans sa mémoire. Une fois, il avait réussi à grimper la plus haute banche d'un arbre à plus de dix mètres du sol. C'était impressionnant mais rien de plus car aucun danger n'avait été présent ; il était tellement agile qu'il ne tombait jamais. Le véritable risque avait été quand pris quand il avait provoqué Grand Georges dans une bagarre car comme l'indiquait son nom, il était très grand et surtout très fort.

Maximilien se rappela fièrement de sa victoire ; il avait battu Grand Georges en l'envoyant au sol après une pluie de coups de poings précis, mais serra ses poings au souvenir des cinquante coups de fouet qu'il avait subis par la suite. Il tressaillit et se souvint que son ancien maître viendrait visiter le père de Charlotte de la Vallières dans une semaine.

- Diable, jura-t-il.

De tous les êtres vivants présents sur cette terre, Louis de la Soisson était définitivement la dernière personne qu'il voulait voir. Il craqua ses doigts et regarda le plafond. Pourquoi ne pouvait-il pas mourir d'une maladie ou se faire mordre par un serpent ? À part pour les gardiens aussi sadiques que lui, personne ne pleurerait sa mort. Il soupira et ferma les yeux. Ce bâtard refusait catégoriquement de lui ficher la paix.

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Maximilien ouvrit ses yeux et sentit son cœur manquait un battement. Non ! Non, c'était impossible ! Que faisait-il là ? Il connaissait beaucoup trop bien cette grande maison blanche qui se dressait devant lui et cette allée de gravier gris sur laquelle il se tenait. Il regarda autour de lui et vit les interminables champs de coton s'étendre jusqu'à l'horizon en couvrant l'entièreté du paysage. Non ! Il ne devait pas être ici ! C'était une erreur ! Il appartenait à Charles de la Vallières, il avait été acheté ! Il voulut reculer, s'enfuir de ce lieu horrible de souffrances et de haine mais ses jambes refusèrent de bouger. Il baissa son regard et découvrit avec horreur que ses chevilles et poignets étaient entravés par de lourdes chaînes rouillées.

Une effroyable douleur déchira son dos et il tomba à genoux en criant. Un sifflement qu'il avait trop souvent entendu retentit derrière lui et le fouet s'abattit sur ses omoplates en lui ouvrant la peau.

- Pensais-tu vraiment que tu ne me reverrais plus ?

Un troisième coup lui supplicia le dos et il sentit le sang commençait à couler de ses plaies. Pourquoi l'avait-on ramené ici ? Les chaînes compressaient douloureusement ses poings. Qu'avait-il commis pour être ramener sur la plantation de son bourreau ?

- Regarde-moi quand je te parle.

Maximilien leva lentement ses yeux sur la figure de son père et poussa un nouveau cri lorsque le fouet fendit son dos avec force.

Maximilien ouvrit ses yeux et se redressa brusquement en haletant. Il regarda autour de lui en cherchant l'imposante silhouette de son ancien maître mais ne la vit heureusement pas.

- Ce n'était qu'un rêve, qu'un cauchemar, articula-t-il en essayant de reprendre son souffle. Tout va bien.

Il prit sa tête dans ses mains et respira lentement, son front humide de sueur. Tout allait bien. Il était loin de lui. On ne l'avait pas ramené sur son ancienne plantation. Personne ne le fouettait. Il savait qu'il était protégé de Louis de la Soisson en étant la propriété de Charles de la Vallières mais l'angoisse serra tout de même son cœur. Ses cauchemars venaient tout juste de le lâcher et voilà qu'ils réapparaissaient dans le seul et unique but de rendre sa vie encore plus difficile qu'elle ne l'était pas.

- Ce n'était qu'un rêve. Tout va bien.

Malgré tout ce qu'il pouvait se forcer à croire, la pensée d'une possible rencontre avec son ancien maître le hantait depuis le matin. Maximilien détestait la peur car elle le faisait se sentir faible et vulnérable ce qui était l'une des multiples raisons qui expliquait sa haine envers son père ; il le craignait.

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- J'ai une bonne nouvelle à t'annoncer, Charlotte.

- Sommes-nous de nouveau invités à un bal ?

- Non, mais cela a rapport avec celui auquel nous sommes allés. Te rappelles-tu d'Aimé de Clermont-Tonnerre ? Tu as plusieurs fois dansé avec lui.

- Oui, je me souviens de lui.

- Comment l'as-tu trouvé ?

- Très agréable, il s'est montré prévenant et aimable envers moi mais pourquoi me posez-vous ces questions ?

- Tu vas bientôt avoir seize ans, ma belle Charlotte, et sera en âge de te marier. En tant que ton père, c'est de mon devoir de te trouver un époux qui te rendra heureuse. Aimé de Clermont-Tonnerre m'a écrit pour savoir s'il pourra venir nous visiter dimanche prochain. Il semble porter un vif intérêt pour toi. Selon moi, il fera un bon prétendant. Qu'en penses-tu ?

- Aimé de Clermont-Tonnerre ? Euh... je ne sais pas, faudrait que j'y réfléchisse...

- Mais bien-sûr, je ne te brusque pas. Je ne veux pas te forcer à épouser quelqu'un qui t'est antipathique mais il ne me parait pas qu'il te déplaise pour autant.

Il ne lui déplaisait pas c'était vrai mais il ne lui plaisait pas non plus. Il était beau, jeune, riche et semblait lui porter une réelle sympathie mais il était qu'un planteur parmi tant d'autres.

Charlotte soupira et se tourna une énième fois dans son lit. L'idée du mariage lui était bien-sûr venue à l'esprit comme à n'importe quelle jeune fille de son âge mais c'était la première fois qu'elle y était directement confrontée. Quitter son père et la maison où elle avait grandi pour épouser Aimé de Clermont-Tonnerre, avoir des enfants, organiser des réceptions : tel était le destin qui lui était proposé. Elle serra ses lèvres et secoua sa tête ; elle ne le désirait pas. Partir voulait aussi dire ne plus revoir Maximilien, pensée qui à elle seule suffisait à l'attrister et lui faire regretter ses années d'insouciance.

Un soupir s'échappa de ses lèvres et elle ferma ses yeux en s'imaginant son visage souriant tourné vers elle. Il lui faisait confiance à présent ce qui lui permettait de voir le vrai Maximilien, pas cet esclave farouche au regard hostile, mais le jeune homme au cœur bon et aimant pour lequel la vie ne s'était jamais montrée clémente et avait fini par l'endurcir. La journée qu'ils avaient passé ensemble ne lui avait pas seulement permis de passer un bon moment avec Maximilien mais lui avait aussi fait découvrir des nouvelles facettes de son caractère. Il était drôle, tête-brûlée et un excellent conteur. Pourquoi ne pouvaient-ils pas vivre dans un monde où les noirs ne seraient pas des esclaves ?

Charlotte se retourna sur le dos et fixa la lune qui brillait par sa fenêtre. Elle ne voulait pas marier Aimé de Clermont-Tonnerre car elle aimait Maximilien. Le jeune planteur était peut-être beau et riche mais il n'était pas celui auquel elle pensait avant de s'endormir. Ses sentiments envers Maximilien étaient interdits, elle le savait et elle comprenait qu'elle devrait épouser un de Clermont-Tonnerre ou un tout autre homme tôt ou tard mais espérait rester libre encore quelques années.

- Pourquoi ne pouvons-nous pas vivre dans un monde où les noirs ne seraient pas considérés inférieurs et réduits en esclavage ? soupira-t-elle.

Malgré l'impossibilité de la situation, Charlotte continuait de rêver que Maximilien finisse par partager ses sentiments. Cependant non, mieux valait qu'ils restent qu'amis. La séparation serait alors trop dure pour eux.

Charlotte et MaximilienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant