CHARLOTTE FRAPPA TROIS coups à la porte et attendit. Elle avait bien nettoyé et désinfecté le dos de Max la veille mais préférait s'assurer que ses plaies étaient en bonne voie de guérison ; une infection pouvait si vite advenir. Personne ne lui répondit ce qui l'étonna car elle était sûre de le trouver chez lui. Peut-être était-il encore en train de dormir ? Le soleil s'était levé depuis longtemps mais ce ne devait pas être chaque jour qu'il pouvait se permettre une grasse matinée. Elle poussa la porte au cas où elle serait ouverte et entra à l'intérieur.
Comme elle l'avait supposé, Max dormait en utilisant ses bras en appui. Elle s'approcha lentement de lui en ne voulant pas le réveiller et s'assit sur le tabouret qui était au même endroit que la veille. Le visage du jeune homme était tourné vers elle ce qui lui permit de le dévisager attentivement. Sa lèvre inférieure était légèrement enflée suite aux nombreuses morsures qu'il s'était faites afin d'étouffer ses gémissements. En regardant de plus près, Charlotte remarqua des cernes sous ses yeux clos et serra ses lèvres. Le pauvre avait travaillé cinq longs mois sans prendre une seule journée de repos et avait fini par s'épuiser. Certaines plaies s'étaient plus ou moins refermées mais les plus profondes avaient encore besoin de soins. Il avait un beau dos malgré ses terribles cicatrices. Charlotte regretta de ne pas être née fée pour pouvoir effacer ce champ de bataille de sa peau d'un coup de baguette. Elle porta son attention sur les deux initiales de son nom de famille LV marquées sur son épaule qui faisaient de lui la propriété de son père et sur la petite fleur de lys sur sa joue. Un soupir s'échappa de ses lèvres et elle voulut embrasser ses flétrissures afin de lui prouver qu'elles ne voulaient rien dire pour elle.
Charlotte leva ses yeux et regarda autour d'elle ; la veille elle avait été trop occupée pour étudier la cabane dans laquelle Max vivait. La première chose qui lui sauta aux yeux fut sa petitesse, l'intérieur de sa cabane n'était en effet pas plus grand que les trois quarts de sa chambre. Les murs et le plancher étaient en bois et il n'y avait qu'une seule fenêtre ce qui rendait la pièce sombre. Si sa chambre était richement meublée par un grand lit à baldaquin, un fauteuil finement décoré par un motif floral cousu dans du fils d'or, des étagères remplies de livres à en craquer, un bureau ayant encore appartenu à son grand-père, des tapis si doux au toucher qu'il était possible de dormir dessus, une armoire où était rangée tous ses bijoux, Max quant à lui n'avait qu'un simple lit pouvant à peine contenir une seule personne, une vieille table à chevet sur laquelle était posée une cruche d'eau, un tabouret sur lequel elle était assise et un foyer avec une casserole où il pouvait cuire les aliments qui étaient empilés dans des sacs dans un coin. C'était injuste. Pourquoi pouvait-elle avoir tant de biens qui ne lui servaient même pas alors que les hommes et femmes qui travaillent pour qu'elle puisse passer ses journées à rêvasser avaient à peine de quoi vivre ?
Max se crispa soudain et bredouilla dans son sommeil :
- Non, tout sauf ça. Non, j'vous en supplie. Pas le cachot.
- Personne ne veut vous enfermer. Vous êtes en sécurité, murmura Charlotte en lui effleurant le bras.
Le jeune homme sursauta et ouvrit ses yeux.
- N'ayez pas peur, ce n'est que moi.
Il la fixa comme s'il n'arrivait pas à comprendre pourquoi il la voyait.
- Que faites-vous ici ?
- Je suis venue m'assurer que vous alliez bien, répondit-elle en replaçant sa main sur ses genoux. Votre porte était ouverte et je suis entrée silencieusement pour ne pas vous réveiller. Pardonnez-moi si je vous ai effrayé.
- Ah oui, c'est vrai, les coups d'hier, marmonna-t-il en se redressant lentement.
Il s'assit en grimaçant légèrement et passa ses mains sur son visage.

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Charlotte et Maximilien
RomanceMaximilien est un métis, né bâtard d'une mère noire et d'un père planteur, esclave illettré et d'un caractère farouche et rancunier. La veille de son dix-huitième anniversaire, il décide de s'enfuir mais est rattrapé et condamné à cent coups de foue...