1. Bonne nuit

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Moi c'est Paul . C'est mon prénom, c'est mon étiquette, voilà tout. C'est comme ça que les gens m'appellent , c'est là qu'ils s'arrêtent. Quelques lettres sur lesquelles on colle un visage et quelques impressions. C'est les 4 lettres que le docteur Bernard a écrit sur mon bracelet vert et blanc ce matin.
Hier, j'ai fêté mes 16ans. Hier, j'ai failli mourir. Hier j'ai voulu mourir.
J'ai été égoïste. J'ai voulu arrêter de penser. Arrêter tout court. Il était 22h40, j'ai regardé la boîte, je l'ai prise, et j'en ai sorti quelques petites pastilles roses. C'était simple. C'était facile. J'ai pris mes ciseaux, ma bouteille d'eau, j'ai fait de mon mieux.

Mon père a dû me trouver allongé sur mon lit une demie heure plus tard, venant simplement me dire bonne nuit. Il a agit vite, presque aussi vite que la boîte de pastille une fois vide.

On est samedi matin. C'est écrit sur mon bracelet, en dessous de mon nom. Il y a aussi écrit mon numéro de chambre dessus. Je crois que ça fait un bout de temps que je le fixe. Je n'arrive pas à comprendre cette obsession de vouloir toujours classer, organiser, caser et étiqueter chaque personne. Même dans le but d'une meilleure organisation .
Je ne comprend pas non plus cette dictature d'utilité. Ce besoin d'agir par intérêt. Tout cela me captive encore, alors que je ferai sûrement mieux de songer à ce qu'il va se passer maintenant que je ne suis pas mort.

D'un coup la porte s'ouvre dans un bruit de pas précipité de talons frappant le sol. Ma mère entrait toute décoiffée, et sans même prendre le temps de s'asseoir, bégayait quelques mots d'un ton affolé.
-Mais mon chéri qu'est-ce qu'il t'arrive ?
-C'est rien maman !
-C'EST RIEN ? MAIS REGARDE DANS QUEL ÉTAT JE TE TROUVE !
Son regard venait de dévier sur les pansements tachés autour de mes bras. Je crois que je ne voulais voir personne. Je crois qu'à ce moment précis j'aurais préféré rester seul.
Mais le Dr. Bernard, au lieu de dire comme tout les médecins "il aura besoin de repos" à préféré dire qu'il ne faudra pas me laisser seul, sans me demander quoi que ce soit.

Je me suis alors remis à fixer mon bracelet en attendant la fin du monologue semi-hurlé de ma mère.

259. Chambre n°259. Deuxième étage, trentième porte à gauche.

Legrand Paul, admis à l'hôpital de Randais-en-eaux le : Samedi 14 Mai 2016.

C'est moche à voir. Presque autant que ma chambre. Pas la peine de vous la décrire, on sait tous comment c'est. Blanc, tout blanc, une fenêtre au fond une table à gauche, deux fauteuils verts là où il y a de la place, un lit d'hôpital et une odeur à vomir.

On la connaît tous, cette chambre. Tout le monde la voit.

J'ai levé les yeux une deuxième fois, cette fois avec plus d'espoir, content de voir l'infirmière entrer, pensant me délivrer des remontrances de ma mère. Ça n'a pourtant pas suffit à la faire cesser. Elle continuait en lançant des petits '' n'est-ce pas'', comme font toutes les mamans sous l'énervement et le stress, à l'infirmière en parlant de mon cas. Et elle faisait les cent pas en essayant de se frayer quarante fois le même chemin entre les fauteuils gênants et mon lit, tout en bougeant les bras dans tout les sens. Je pense que la même scène sans son aurait frôlé le comique.

Seulement je n'avais pas envie de rire. Ni maintenant ni avant ni jamais. Et un seul croisement de mon regard et de celui de l'infirmière, suffit à nous entendre sur le fait que ma mère ferait mieux de s'en aller et de se calmer dehors.
-Madame, votre fils va avoir besoin de repos, on va le laisser se reposer.
C'est tout ce que je rêvais d'entendre. Ma mère la regardait, déconcertée. Sans dire un mot. Soit elle était déçue, soit elle allait exploser, et ce serait pire. Mais l'infirmière est partie, et ma mère est venue me déposer un bisou sur le front avant de la suivre.
-Eh bien, repose toi bien.. je reviendrai te voir demain, et je t'enverrai un sms ce soir pour te dire bonne nuit.

A Jamais Le BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant