3.Parenthèse

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Depuis que j'ai ouvert les yeux, il pleut. Le temps est triste. Il pleure. Il a de la chance. Je n'arrive même pas à pleurer. Je ne sais même pas si j'en ai envie.

Les infirmiers, les médecins et les membres proches de ma famille ne cessent de défiler dans ma chambre. ils cherchent à savoir ce qui ne vas pas, pourquoi ''je ne suis pas heureux''. Ils cherchent juste à savoir pourquoi.

Mais c'est aussi ce que je me demande.

Le bonheur n'existe pas, c'est la souffrance qui fait une pause. Elle prend congé. Trop peu souvent pour moi.
Je pense que les gens heureux sont juste un peu plus insouciants, les autres sont juste un peu plus lucides.

Il faut faire la différence entre ceux qui cherchent à comprendre et ceux qui comprennent.

Et puis les gens pensent que ce n'est pas normal de vouloir mourir à seize ans. Mais un jour on se rend bien compte que rien ne vas plus. Peut être parce qu'on a peur, parce qu'on ne sait plus, parce qu'on est seul.
Seul à entendre, à comprendre, à intérioriser, à détester, complexer, rejeter, déprimer. Seul à ne plus vouloir se promettre l'impossible.

On peut mentir en souriant ou dire la vérité.
Dire que rien ne vas , qu'à force d'aller mal on a oublié ce qu'on aimait faire.
On finit par perdre notre désir, notre plaisir, et notre envie, et on se dit que le bonheur, c'est pour les autres.

Tout à l'heure, une infirmière que je n'ai jamais vu est passée alimenter ma perfusion. Sur son tee-shirt était écrit "l'espoir fait vivre".
Encore une belle connerie. Espérer toujours plus, pour être déçu.
Elle est entrée sans bruit. C'était gênant. Je lui ai alors adressé un simple bonjour.
-Bonjour, je suis l'infirmière.
-Je sais, ça se voit, vous savez.
-Ah oui, a-t-elle sorti avec un rire léger.
-Vous savez, moi je pense que l'espoir prolonge juste la souffrance des hommes.

Elle m'a souri, un peu mal à l'aise, puis est repartie.

Ma mère est entrée dans ma chambre quelques minutes plus tard, et est venue s'asseoir à côté de moi.
-Bonjour mon lapin.
-Bonjour maman.
Je fixe mon bracelet.
-Paul, il faut ..
-Non.
-Mais dis moi pourq..
-Non, maman, vraiment.
-D'accord...
Elle paraissait triste, ça se lisait sur son visage. Elle changea de sujet:
-Le docteur est passé? Papa est venu te voir aujourd'hui?
-Le docteur à laissé une enveloppe pour toi là-bas. Et papa est venu ce matin avec papi et mamie.

On a parlé, elle et moi, jusqu'à 18h45 environ, l'heure du repas. Puis elle est repartie, l'enveloppe sous le bras.

A Jamais Le BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant