12.Case départ

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La chambre est vide sans elle. Mon combat n'a plus de forces sans elle. Déjà onze jours sans voir son sourire. C'est encore plus dur sans la voir, sans l'avoir à mes côtés. Chaque jour est plus dur que les précédents..

Je n'ai plus goût à rien, plus envie de bouger, plus envie de lire, plus envie de dessiner et plus envie de manger non plus. Je n'y arrive plus. J'ai perdu 5kg en 11jours. Du coup chaque matin, et tout les deux jours, les infirmiers viennent me peser.

Je suis retourné voir deux fois le docteur Morel depuis la dernière fois. Je pense que maman avait raison. Ça m'aide, de discuter avec lui. Son point de vue fait évoluer ma façon de penser les choses.

Nous sommes jeudi 2 Juin, et j'aurai dû sortir de l'hôpital ce matin. Seulement ce matin, la balance n'affichait que 41kg. Alors je dois rester ici encore quelques jours..

Il n'y a pas de docteur ou de médicament qui puisse enlever la peine que je ressens. Je me sens seul sans Mia. Inutile. Impuissant.
Je ne suis rien , je ne suis personne.
Elle s'en va en me laissant me remémorer tout ce qui ne vas pas, tout ce qui hurle à l'intérieur de moi.

Le monde se vide. Je me vide. Tout s'additionne. Je sens ma respiration s'intensifier. Mes yeux veulent se cacher sous mes paupières.
Je me sens partir.
Tout ça n'a servi à rien. C'est comme si je n'étais jamais venu ici. C'est peut être même pire qu'avant. Je suis perdu. J'essaie d'aller au bout, au bout de moi même, comme je peux. Et les gens disent que je n'essaient même pas.

Je fais de mon mieux.

Mais mes yeux se ferment. C'est plus fort que moi.
J'ai simplement la force d'appuyer sur le petit bouton rouge à ma gauche, et de m'évader.

Partir.

Je me débats sans force. Je crie sans voix. Je cours rejoindre Mia vers ce rêve éternel.

Puis un grand silence, un grand calme. Enfin une pause dans tout ça. C'est bon? C'est fini?
Je suis libre?
Mon destin s'achève-t-il pour de bon?

-PAUL ?
J'entends une voix féminine.
-Ah Paul, te revoilà !
Une voix masculine maintenant.

Cette fois, j'y ai vraiment cru.

Je me sens faible. Faible d'esprit et de forces. J'ai plongé. J'ai touché le fond. Que peut-il bien advenir du futur maintenant. On dirait que toute ma vie est passée, qu'il ne reste plus rien, mais je dois rester encore là.

Je me réveille doucement. Je respire. Je prend conscience de ce qui m'entoure. J'ouvre les yeux. Je vois le docteur Bernard face à moi, et Nathalie à me tenir la main droite. Mélanie est là aussi. Je ne suis pas dans ma chambre. Je ne comprends pas vraiment, et je panique.
Je fronce les sourcils et interroge Nathalie du regard, l'air inquiet.

-Ne t'inquiète pas, tout vas bien, commença-t-elle. Tu t'es évanoui, tu manque de magnésium, de protéines. De sucre. Il va falloir que tu mange d'avantage, ça devient dangereux.
Bon, repose toi, le docteur Bernard viendra te parler tout à l'heure.

Sauf que je n'y ai pas droit, moi, à la mort. Mia, elle, elle n'a rien demandé à personne, et ça lui est tombé dessus. Pour elle, j'échangerai ma place contre la sienne.
Sauf qu'elle n'a peut être pas envie d'échanger sa place contre la mienne.

Je suis branché de partout. Alimenté pour tenir en vie, de quatres poches de perfusions différentes. Deux fils rejoignent mon torse. Trois sur chaque bras, en plus du cathéter. Il y a aussi une pince sur mon index pour vérifier ma tension. Le tout est relié à différentes machines ou perfusions.
La salle dans laquelle je me trouve est fermée par des baies vitrées, et je suis caché par des volets. J'imagine que sans ça tout ceux qui passent par là me dévisageraient.
Ils auraient d'abord eu pitié de moi. Puis ils auraient eu honte d'avoir croisé mon regard.

Même la porte en face de moi est vitrée, volets fermés. Je vois mon reflet dedans. Je me vois dedans. Putain mais Paul regarde de quoi tu as l'air. Dans quel état tu te trouves maintenant. C'est atroce, c'est moche. Voilà le mot, c'est moche.
Impossible de dévier mon regard, figé sur moi.

Impossible, jusqu'à ce que la porte s'ouvre, poussée par le docteur Bernard.

-Nous n'avons pas encore averti ta maman de ce qu'il s'est passé tout à l'heure. Si tu préfères tu peux lui en parler.
-Oui oui, je lui dirai quand elle viendra.
-Tu vas retourner dans une chambre et les infirmières vont te servir le déjeuner. Promets moi de bien manger.
-Oui oui.
-C'est pour toi encore une fois. Tu plonges dans l'anorexie, c'est dangereux tu le sais. Reprends toi. Je sais que tu peux y arriver.

Je ne répondis pas.

-Aller, repose toi.

Nathalie est venu me transporter dans une chambre de son service. Chambre 255. Deuxième étage, vingt-huitième porte à gauche. Chambre double inoccupée.

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A Jamais Le BonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant