La guerre des Alephs (2)

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Précédemment...

Gudule : maître, pourquoi cette fascination pour les produits laitiers ?

Théorème de Gudule : si vous avez un paquet infini d'objets que vous pouvez "énumérer", il y en a autant que les entiers naturels (et bien sûr c'est infini).

Kronecker : je suis une citrouille !

FTM : eh, je vous ai dit que je m'étais trompé, ça arrive à tout le monde.

Maintenant, chers lecteurs, munissez-vous de boîtes d'aspirine et attaquons le vif du sujet.


Pour commencer, avec notre définition, il y a autant d'entiers naturels que, par exemple :

– d'entiers naturels pairs. Ma correspondance c'est 1 → 2, 2 → 4, etc. Je multiplie par deux, quoi.

– de carrés d'entiers naturels. Ou de cubes. Ou de puissances millième. Ma correspondance c'est 1 → 1, 2 → 2 puissance 1000, 3 → 3 puissance 1000, etc.

– de couples d'entiers naturels. Ça veut juste dire que vous pouvez compter les cases dans un tableau à deux entrées.

– de nombres rationnels (de fractions). C'est pareil que la ligne du dessus.


À chaque fois si ça marche, c'est parce que « on peut compter », car c'est bien la propriété fondamentale des entiers naturels : on peut les compter. On dit que cet ensemble est dénombrable.

Gudule : ouais, en fait, tout est dénombrable.

C'est une bonne question à se poser, pas vrai ? Mais Cantor avait bien compris que ce n'était pas possible. La raison en est la suivante : si vous prenez un ensemble, l'ensemble des parties de cet ensemble ne peut pas être mis en correspondance avec lui. Exemple.

Nous avons un village de schtroumpfs qui contient 100 schtroumpfs. Le nombre de « groupes de schtroumpfs » distincts, les parties de l'ensemble des schtroumpfs, que nous pouvons former, est exactement deux à la puissance 100 (cela se démontre, etc). Donc ça fait plus. Ce fait reste vrai y compris pour un ensemble infini, même si c'est un peu plus subtil, ce que Cantor a démontré.

En partant des entiers naturels, vous pouvez donc créer des « infinis » de plus en plus gros. À cause de ce « deux puissance » qui vient des ensembles finis, on parle de « deux puissance Aleph Zéro » pour le nombre de parties des entiers naturels.

Théorème de Gudule : deux puissance Aleph Zéro, c'est gros, c'est plus gros qu'Aleph Zéro.


Cantor avait aussi sous la main un très bon exemple d'infini : les nombres réels.

Les nombres réels sont des nombres à virgule avec potentiellement une infinité de chiffres. Ce ne sont pas seulement les rationnels. Vous y trouvez tout un tas de gens aux propriétés bizarres (Pi, pour n'en citer qu'un). Mais il s'agit du meilleur endroit pour faire de l'analyse, avec les nombres complexes, et c'est donc un terrain de jeu privilégié des mathématiciens depuis le XVIe siècle.

Cantor se pose donc la question suivante : combien y a-t-il de nombres réels ? Au sens des infinis, bien entendu.

C'est là qu'il démontre que les nombres réels ne sont pas dénombrables. Autrement dit, il y en a « plus » que les entiers. Et pour faire ça, il utilise un procédé diagonal.


Gudule : attention, ce qui va suivre contient un peu plus de maths. Merci d'adresser toutes les complaintes éventuelles par prière au FTM.

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