Cantor et les infinis (1)

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Oui, vous avez bien lu, « les infinis ».

Gudule : je sens qu'il faut que je pose la question.

Pose la question, Gudule.

Gudule : maître, pourquoi cette fascination pour les produits laitiers ?

Pas celle-là, larbin.

Gudule : maître, pourquoi « les infinis » ? Et pourquoi êtes-vous transporté par un rire méphistophélique ?

Silence, Gudule. Transition avec une photo de tardigrade.

L'infini est une notion qui a longtemps divisé les mathématiques

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L'infini est une notion qui a longtemps divisé les mathématiques. En effet, l'infini existe-t-il ?

Gudule : dit comme ça, ça se discute.

Le matérialiste : non. Les nombres entiers, oui, sont naturels, mais pas l'objet « infini ».

Le théologien : l'infini existe, mais c'est le FTM et sa grandeur ne nous est pas accessible, à nous pauvres mortels.

L'informaticien : est-ce que ça se programme ?

Le glouton : est-ce que ça se mange ?

Le matheux : bah, ça dépend comment vous définissez ça.

Reformulons donc la question : pouvons-nous définir l'infini ?

Gudule : si nous sommes arrivés là, je soupçonne que la réponse est oui. À moins que tout ceci ne soit qu'un piège pour traumatiser le lecteur avec une photo de tardigrade.

Gudule, définis-moi l'infini.

Gudule : l'infini, c'est un truc tel que si vous lui ajoutez un entier, ça ne change rien.

Félicitations, Gudule, tu viens de retrouver grosso modo un monde d'entiers non-standards dans lequel « infini » existe, et est un nombre.

FTM : je suis là. Je suis parmi vous.

Malheureusement, cette définition n'est pas utile pour la suite, donc je vais juste l'oublier.

Gudule : je me sens déconsidéré.

En fait, une très très bonne définition de l'infini serait :

"Le nombre d'entiers naturels"

parce que tout le monde sait qu'il y a un nombre infini d'entiers naturels.

(Pendant ce temps, dans la tête de Gudule)

(Pendant ce temps, dans la tête de Gudule)

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Gudule : tout ça pour ça ????

Comment définir le nombre d'entiers naturels, me demandez-vous ? Eh bien c'est très simple. Imaginez un paquet de quatre yaourts aux fraises. Vous pouvez mettre ces yaourts en correspondance avec ceux de n'importe quel autre paquet de quatre yaourts, disons aux cerises. À chaque yaourt aux fraises correspond un unique yaourt aux cerises, et inversement.

Si je vous dis maintenant que j'ai un paquet de quatre yaourts aux framboises et un autre paquet de yaourts, tel qu'on peut faire une telle correspondance entre les deux, vous me répondez bien sûr qu'il y a autant de yaourts dans le deuxième paquet.

Bien sûr, dans le monde fini, ça ne sert peu ou prou à rien, puisqu'on peut toujours compter.

Gudule : ça, je sais faire.

Mais dans le monde infini ? Eh bien, nous avons trouvé notre définition : si d'un paquet d'objets (infini, donc), on peut faire une correspondance avec les entiers naturels, alors il y en a autant que les entiers naturels. Mieux encore, si on peut compter, énumérer ces objets (parce que c'est bien ce qu'on fait avec les entiers naturels, non ?), alors ça marche.

Théorème de Gudule : si vous avez un paquet infini d'objets que vous pouvez "énumérer", il y en a autant que les entiers naturels (et bien sûr c'est infini).

Mais c'est le début des ennuis.

À l'époque où le fameux mathématicien Georg Cantor (1845-1918) commençait à étudier ça, la notion d'infini était encore floue. En particulier, des gens comme Kronecker lui reprochaient de faire des choses sans queue ni tête parce que c'est bien connu, les vrais objets qu'on aime bien, c'est les entiers naturels et ce qu'on construit avec eux par un nombre fini d'opérations, point barre.

Comme quoi, les questions idéologiques et les a priori en maths ont parfois la vie dure.

Cantor : et là, je considère un ensemble infini de...

Kronecker : blablablah, j'écoute pas, je suis une citrouille.

Cantor : ouiiiiin ! Puisque c'est ça, j'en ai marre, je m'en vais prouver que les œuvres de Shakespeare ont été écrites par Sir Francis Bacon.

Mais bien sûr, c'était Cantor qui avait raison. Il était temps de donner quelques coups de balai et de formaliser la notion d'infini.

En plus, Cantor est le vrai fondateur de la théorie des ensembles, c'est-à-dire la base de la formulation moderne des mathématiques, et même si son travail n'était qu'une des étapes des progrès qui ont mené aux efforts de formalisation de tout le XXe siècle, c'était la première. Chapeau.

Puisque le « nombre d'entiers naturels » a un sens, on lui donne le doux nom d'Aleph Zéro, le « cardinal » (le nombre d'éléments) de l'ensemble des entiers naturels

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Puisque le « nombre d'entiers naturels » a un sens, on lui donne le doux nom d'Aleph Zéro, le « cardinal » (le nombre d'éléments) de l'ensemble des entiers naturels. On dirait le nom d'un personnage de Manga que je vous demande d'imaginer. Pour l'heure, Gudule nous en a fait un petit dessin :

Mais bientôt Aleph Zéro sera lancé dans une grande bataille contre les autres cardinaux

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Mais bientôt Aleph Zéro sera lancé dans une grande bataille contre les autres cardinaux. Qui vaincra ? Qui sera absorbé ? Et si l'hypothèse du continu n'était qu'une grande mascarade du créateur de l'univers ?

FTM : eh, je vous ai dit que je m'étais trompé, ça arrive à tout le monde.

À suivre...

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The real fun begins au prochain chapitre. Que je m'en vais publier de ce pas. Si la photo de tardigrade ou les dessins de Gudule vous font peur, il refusera quand même de les retirer, je suis désolé :(

Pourquoi j'adore les mathsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant