Si vieillesse pouvait!

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« Nous avons aujourd'hui perdu tellement de valeurs que nous finissons par porter indifférence à la vie elle même. Les sentiments ne sont plus ce qu'ils étaient.

L'amitié, l'amour, le respect de soi, encore moins des autres ne veulent plus rien dire.

Quand j'étais jeune encore, mon père avait un ami. Il s'appelait Fritz, Pierre Frizt. Mes frères et moi nous l'appelions Ton Fritz. Mon père le considérait comme un frère, ils avaient grandis et fait ensemble leur études classiques. Mais après la philo, des malheurs lui sont tombés dessus. Ses parents moururent et il n'étudia plus.

Mon père devint professeur de sciences sociales et grâce à son métier qui n'aportaient pas grand chose et avec l'aide d'un grand frère, il eut sa licence en droit. Mais il ne supportait plus de traîner devant le barreau de Port-au-Prince à la recherche d'un cas pour lequel il fallait salir son image. Alors avec ses économies, il ouvrit un espace touristique à la campagne.

Les campagnes ne s'avéraient pas les meilleurs endroits pour faire business et réussir mais il a voulu dépenser là sa force et son argent là, parceque c'était la terre où était enterré son nombril.

Fritz pendant ce temps était au chômage, père de trois enfants et trop vieux pour étudier. Mon père pour l'aider l'embaucha. Quelques mois plus tard, il a eu un accident de moto qui a failli lui coûter la vie. Mon père eut à dépenser dix mille billets verts pour le sauver. Et il s'en tira.

Après l'accident les choses commencèrent s'améliorer, les affaires marchaient bien et papa prit en charge le petit dernier de son ami.
Et tu sais ce qu'il a fait Frizt! Tu sais comment il l'a remercié!»

Le viel homme répondit négativement de la tête, tirant une bouffée de sa cigarette; signe que la suite l'intéressait.

« En deux semaines les affaires commencèrent à dégringoler, les clients ne venaient plus. Et papa apprit que son ami à fait courir rumeur sur son dos. Les habitants étaient tous contre lui et Frizt pour le concurencer ouvrit son propre espace touristique.»

Joseline émit un long soupir. Ses yeux s'embuèrent de déception.

« Les hommes sont méchants Dieudonné. Si même la gratitude ne leur dit rien, que laisseront ils aux prochaines générations! »

Dieudonné approuva.

« Même l'amour aujourd'hui est bafouée. Il est utilisé comme prétexte pour tout autres folies, tout autres envies, à part pour ce qu'il est vraiment. Tu te rappelles d'Adriane, la fille de ma commère qu'elle fouettait tout les jours pour un jeune homme. Et bien, ce garçon l'a connu et abandonnée avec deux innocents dans le ventre. Trois vies de gâchées pour quelques minutes de plaisir. Nous avons échoué Dieudonné, échoué!»

Cette fois là, sur le visage ridé de Joseline coulaient de grosses gouttes d'eau salé.

Dieudonné déposa enfin son mégot sur la soucoupe qui se trouvait sur la petite table aux pieds tordus, remplie de sucreries et de sacs de céréales de la boutique. Il pencha sa dodine vers sa femme et lui prit la main.

- Mais non Jose! Nous n'avons pas échoué. Nous avons bien élevés nos enfants et aujourd'hui ils sont des hommes et des femmes digne du nom.

- Si, si mon chéri. Nous en sommes tous responsables. Nous dans notre jeunesse avons commis beaucoup d'erreurs mais nous n'avons pas su en parler aux jeunes. Et ils les recommetterons, ils feront pire. Mais comme ils disent si seulement jeunesse savait.

- Oui! Aquiesca le viel homme. Et si seulement vieillesse pouvait...

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Enterrer le nombril: se dit en créole tere kòd lonbrik. Consiste à enterrer sous un arbre la partie coupé du nombril d'un bébé à sa naissance.

était enterré son nombril: il naquit.

Chronique De Textes PerdusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant