Mes Locks

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Port-au-Prince (Haïti)
Le 18 Novembre 2016,

Cher journal,

"Pourquoi tu portes des dreads?"

Voilà une question que l'on n'a jamais osé me poser auparavant. D'habitude, on se contente de me regarder et de me juger, sans me demander mon accord. Je l'ai regardé dans les yeux, j'avais entr'ouverte ma bouche, mais aucune réponse n'en est sortie. Et puis j'y pensai: je ne m'étais jamais posé la question. Pourquoi je porte des dread?

Il y a longtemps que j'avais pour la première fois tressé mes cheveux, pour ne plus les détresser. Cela date de deux ans. C'était un mois de Novembre.

Ma soeur était morte, et j'avais longuement regardé son corps amaigri, dans le cercueil. Elle était ma seule famille restante.

Mais je ne la reconnaissait plus. Où était cette femme débordante de joie et de courage que j'avais connu. Ce n'était pas elle. J'avais jusqu'à l'heure gardé la certitude qu'elle ne pouvait mourir. Je n'avais pas non plus cru lorsqu'on me l'avait annoncé quelques jours plus tôt et je persistais quelque part en moi, à ne toujours pas le croire. Tout ce courage, tout cet espoir ne pouvait disparaître. Elle ne souriait pas, elle semblait froide, elle ne souriait plus.

Autour de moi, c'était des cris de désespoir, de douleur. Et ma douleur à moi semblait tarder son arrivée. Elle était là, faiblement, lointaine, gardant avec elle, précieusement mes larmes qui ne venaient pas. Je regardais le corp allongé dans le lit en blanc. J'aurais voulu la toucher. Mais je craignais de réaliser que c'était bel et bien vrai: Elle était morte.

Et puis, vinrent d'autres jours. Je devais aller de l'avant et j'y suis allée, mais quelque chose me retenait dans le passé. Alors je me suis tréssé les cheveux. C'est fou mais cet action m'a aidé à changer quelque chose.

Et ces cordes sur ma tête, comme j'entendais dire, ont déliés mon esprit des conventions sociétales. Ils m'ont aidés à m'imposer en tant que personne. Ils m'ont aidés à créer un nouveau "moi", après cette impression de vanité que j'avais conservé, suite à la mort de ma complice. C'est peut-être pour cela que je les portais et que je continuais de les porter. Ils ont pour moi un sens insensé. C'est un signe de liberté, de courage comme héritage laissé par cette femme que j'admirais. Avec eux, je me sens moi, je me sens belle et je sens sa présence.

Je fermai les yeux quelques secondes pour trouver une réponse plausible. Mais je ne trouvais aucun mot, assez fort ou assez simple, pour exprimer vraiment ce que je ressentais.

" Je porte des dread parce qu'ils sont ma force"

Il m'observa longuement, surpris de ma réponse.

Il m'observa longuement, surpris de ma réponse

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Port-au-Prince (Haïti)
20 Novembre 2016,

Cher journal,

Pourquoi est ce qu'on répète souvent, que l'habit ne fait pas le moine? On le répète mais agissons contrairement à ce que l'on prône.

La critique c'est ce qui caractérise mon quotidien. C'est ce qu'on me fait subir au quotidien, depuis que je porte des dreads.

Certains de ceux que j'appelais "amis", m'ont rejetés. D'autres se sont contentés de me poignarder au dos. Et la société m'a classé. Ils m'ont classés dans le rangs de ceux qui fument de la drogue ou qui font partis des gangs. Ils m'ont privés de considération et d'amour parcequ'ils disent que je manque de féminité.

Mes locks m'ont valu, beaucoup de problèmes, de préjugés, de critiques et c'est pour cela que je les aiment. Ils sont aussi symbole de vérité, car ils m'ont permis de voirs les vrais visages de ceux qui m'entourent.

 Ils sont aussi symbole de vérité, car ils m'ont permis de voirs les vrais visages de ceux qui m'entourent

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Port-au-Prince (Haïti)
Le 22 Novembre 2016,

Cher journal,

Aujourd'hui, il m'a aussi demandé, si je me droguais.
J'avais d'abord cru à une blague mais je réalisai qu'il était sérieux. Et moi qui croyait qu'il me connaissait. Avais je l'air d'être droguée? J'agissais pourtant le plus normalement du monde. Et je ne lui avais jamais donner aucune raison de le croire.

Mais, je ne pouvais, lui en vouloir. Il était esclave. Esclave de l'image que la social projette des dreads et aussi esclave de l'image stéréotypé de la femme parfaite que la société lui a imposé.

À cause de mes locks, j'ai été victime de discrimination. Mais, je les aimes parcequ'ils m'ont aussi appris la rébellion et la volonté de me forger une image sans dépendre des clichés. Ils m'ont permis de sortir du rang de zombifiés de la mode.

...
Joyeux noël mes amours! Et heureuse année!

Chronique De Textes PerdusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant