Elle avait fermé les yeux...
La pluie avait cessé de tomber. L'air était encore humide et frais sous ce ciel sans étoile, qui savait parfaitement comment créer l'illusion du beau dans la nuit noire.
La nuit avait le don l'embellir tout ce qui semblait laid sous le soleil.
Au loin, le morne a pris l'aspect d'un tas de béton jetés en vrac, cause des centaines de maisons anarchiquement construis, empilées dessus. Quelques points lumineux éparpillés par ci, par là... le tableau fait penser à un sapin de noël.
Autour d'elle pourtant, l'électricité s'est faite absente. Dans ce quartier ci du moins. Rendant gloire à l'inégalité, qui depuis toujours a établi son règne sur ce bout de terre. Mais on ne s'en plaint pas. Muni de lampe tête gridap, lampe à gaz blanc, de bougies ou de lampes à électricité solaire, certains vaquent comme ils le peuvent à leurs activités tandis que d'autres, plus méfiants de la nuit trop calme, pouvant facilement se transformer en scène de film d'horreur, se sont déjà réfugiés derrières les murs fortifiés en béton de leur demeure, en vue de se mettre en sécurité, se protéger.
Et même là, parler de sécurité serait encore exagéré, au sein de cette ville, capitale d'âmes damnés en frustration.
Sur le trottoir tout près, les gens passent sans prêter attention à elle. Elle qui ne vaut la peine d'un regard. On le lui avait bien dit hier: "Faire son intéressante ne servait à rien. Elle n'était personne et c'est pour cela qu'elle passait ses journées à mendier sur les trottoirs, telle une chienne, de quoi s'acheter un pain rassis et deux pâtés."
Les gens passent. Il y en a qui dont pressés de rentrer dans leur chez soi, dépouillé de luxe et d'envie de vivre pour pousser une dernière plainte et achever leurs misères le temps de quelques heures. Il est tard. Il y en a qui traînent sans force leurs corps fatigués et des qui rient alors que tout ce qu'ils veulent c'est crier. Il y en a d'insouciants, des aux regards de fauve, se cherchant des victimes en cette nuit sauvage. Chacun pour soi.
La pluie avait cessé de tomber. Mais elle avait le corps tout mouillé, sali de la boue malodorante dans laquelle elle traînait encore, brusquée par les deux inconnus qui l'avaient embêtés toute la journée. Ils le lui avait bien dit: "Il ne fallait pas leur résister. Ils étaient forts et elle, elle n'était rien." Mais poussé par le reste de dignité gisant de sa carcasse humaine, elle résistait quand même..
Les gens passent et s'en vont. Trop pressés pour prêter attention à ses cris de souffrance.
Les mains de ces hommes ont sali son corps, déchirés ses vêtements. Ces deux mêmes hommes qui lui avaient la veil tendu un billet de cinquante gourdes à elle qui mendiait au bord du chemin, et qui en échange avaient réclamés quelques minutes de plaisirs dans ce coin, derrière ce tas d'ordures obstruant une bonne section du trottoir...
Elle se débat, sans espoir, personne ne vient l'aider. Et qui s'en fout de toute façon. Elle l'a sûrement bien cherché, cette petite pute...
"La nuit est temps où nous fermons les yeux, fermons les oreilles." La nuit c'est chacun pour soi dans cette jungle calme et sauvage.
Les deux hommes lui ont crachés au visage. Les quelques gouttes d'eau tombant des toits des maisons qui bordaient le corridor près du trottoir, de cet immense tas de déchets décomposé, où elle passait ses journée, accroupie, main tendue, venaient s'éclabousser sur son corps nu, violenté et violé.
Elle avait fini par se laisser faire, les yeux fermés.
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, les hommes étaient partis. Ses agresseurs ont laissés entre les jambes ouvertes et sur son pubis quelques traits d'une liquide jaunâtre.
Elle possa un nouveau cri de désespoir tout en sachant que personne ne s'alarmerait. Il fait nuit de toute façon.
La nuit avait le don d'embellir tout ce qui semblait misérable sous le soleil. Son cri fit écho dans la nuit noire, grave et monotone. Et l'on crut que ce fut celui d'un chien en mal de sommeil, la faim aux tripes.
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Chronique De Textes Perdus
PoesíaDes mots. Rien que des mots. Des mots qu'un coeur a versé. Déversé dans le tas. Ils sont perdus...