Chapitre 34

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À peine entrée dans la petite salle qui servait de salle d'audience, je m'inclinai profondément devant le monarque. Philippe Auguste, alors âgé de trente-trois ans, se leva et fit courtoisement quelques pas à ma rencontre. Ses traits sévères, déterminés, étaient adoucis par un sourire aimable.

— Je vous souhaite la bienvenue, Madame ! J'espère que vous avez fait bon voyage ?

— Excellent, Votre Majesté, répondis-je en m'inclinant.

— Bien, Messire le comte de Bretagne va bientôt nous rejoindre. Puis-je vous demander la raison de votre visite ? Apportez-vous un message ?

— Non, Votre Majesté. Madame la duchesse m'envoie auprès de son fils pour lui assurer une protection supplémentaire.

— L'attention de Madame la comtesse pour son fils est touchante, reprit le roi, un peu guindé. Je me portais pourtant garant de sa sûreté, mais n'importe, vous êtes la bienvenue.

— J'en remercie Votre Majesté, répondis-je, circonspecte. Je ne doute pas de l'efficacité de vos gardes et de vos murailles, mais, comment dire... j'ai l'habitude de protéger notre duc.

— Une sorte de garde du corps ? demanda Philippe avec un sourire entendu en détaillant mes vêtements. Je vois que vous êtes curieusement vêtue... Est-ce votre habitude de porter des braies ?

Partout où j'allais, je m'attendais à cette question.

— C'est ainsi en effet que je m'habille au quotidien. J'espère que Votre Majesté ne prendra pas ombrage de m'avoir vu paraître ainsi devant elle ?

— Il est certain que c'est inhabituel, fit le roi avec un petit sourire.

Alors que je me demandais s'il fallait y voir une raillerie, Arthur pénétra à son tour dans la salle. Son jeune visage s'éclaircit en me découvrant.

— Messire, dit Philippe, voici une dame que votre mère nous envoie pour veiller sur vous...

— Dame Yanna, je suis bien aise de vous revoir ! lança Arthur sincèrement. Quant à ma protection, je ne doute pas de votre efficacité ! ajouta-t-il en riant.

Je me demandai à nouveau comment je devais le prendre.

— Madame de Menezher doit certainement être fatiguée de son voyage, affirma le roi. Mes gens vont lui montrer sa chambre. Quant à vous, mon neveu, venez que je vous entretienne, dit Philippe benoîtement. Car votre père était comme un frère pour moi.

Je compris tout de suite qu'il tentait de s'attacher le fils comme il s'était attaché le père autrefois. L'alliance d'un pays comme la Bretagne comptait dans la balance...

Comprenant que l'audience était finie, je saluai une dernière fois à la manière d'un homme et sortis rejoindre mes compagnons, tandis que le roi et son jeune hôte partaient rejoindre une autre salle.

— Voyez-vous ces remparts entourant la ville ? disait Philippe. Je les ai fait construire il y a peu, mais je compte bientôt leur adjoindre une solide forteresse au nord-ouest. D'épaisses murailles autour d'un solide donjon, de quoi décourager d'éventuels agresseurs venant par la Seine !

— C'est assurément d'une grande prudence, approuva le jeune garçon. Mais vous craignez donc une attaque ?

— Pas dans l'immédiat, non, mais p ar les temps qui courent ce peut être plus prudent...

Tandis que Philippe devisait avec son hôte en remontant le couloir, moi et mes compagnons suivîmes le valet qui nous mena à nos logements. Les chambres au Palais étaient rares, mais je m'en vis tout de même attribuer une à proximité des appartements d'Arthur. Quant à Claudine, Étienne et Loeiz, ils intégrèrent la troupe de domestiques personnels du duc et bénéficièrent à ce titre de chambrettes sous les combles...

La Dernière chevauchée d'un jeune prince, Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant