Le soleil apparaissait lentement au-dessus de l'horizon et baignait de ses doux rayons la petite plage australienne. Cette dernière, jonchée de détritus humains, ressemblait à s'y méprendre à une déchetterie publique.
Un reste de julienne de légumes s'éveillait doucement de sa nuit. Il avait été laissé sur la plage par un groupe de jeunes peu soucieux de l'environnement, deux jours auparavant, et avait été renommé Rodrigue par sa voisine de sable, une vulgaire boîte de conserve pipelette comme pas deux répondant au doux nom de Cornélia.
"Salut Rodrigue ! s'enquit d'ailleurs cette dernière quand elle le remarqua éveillé. Tu as bien dormi ? Tu as raté un truc de malade cette nuit !"
Pour toute réponse, Rodrigue reposa sa tête dans le sable et soupira. Cornélia n'était pas méchante, mais elle était particulièrement énervante à la longue, surtout quand elle s'y mettait ainsi dès le matin. Et puis quand il essayait de rouler sur le côté pour lui échapper, elle le suivait en sautillant. La lumière du soleil levant commençait déjà à brûler ses petits yeux de carotte, et il s'enfonça encore plus pour lui échapper, laissant Cornélia déblatérer ses bêtises à un débit hallucinant pour une boîte de conserve.
"... Mais bon, j'ai rien contre les gros animaux hein, mais ça serait pas mal si elle pouvait partir de là, tu trouves pas, hein Rodrigue ? En plus elle va nous cacher le soleil !"
Un gros animal ? Rodrigue releva la tête vers sa voisine, intrigué.
"De quoi tu parles ? demanda-t-il de sa petite voix aiguë, ses brins de céleri s'agitant doucement dans le vent.
- Oh, parfois j'ai vraiment l'impression que tu ne m'écoutes jamais ! s'exclama Cornélia sur un ton profondément outré. Je te parlais de la nouvelle !
- La nouvelle ?"
Rodrigue regarda autour de lui, à la recherche d'un nouveau déchet pour leur tenir compagnie, mais il n'y avait rien d'autre face à lui que du sable et des peaux de banane, muettes comme des carpes japonaises miniatures (et jaunes).
"Pas par là ! Je t'ai dit qu'elle venait de la mer !"
Rodrigue se retourna sur le dos pour voir la mer. Mais l'eau lui était cachée par une immense masse informe bleue. Elle faisait plusieurs mètres de haut et ne ressemblait à rien, du moins pas du point de vue du petit tas de légumes.
"Qu'est-ce que c'est ? chuchota-t-il à sa voisine.
- C'est une baleine voyons ! Olala Rodrigue, ça se voit que tu n'as jamais fait de séjour dans l'océan ! Je t'ai déjà dit que j'ai dérivé pendant plusieurs semaines..."
Rodrigue la vit repartir dans ses délires et la laissa faire n'importe quoi. Il promenait son regard sur l'animal qui lui cachait la mer. Une baleine ? Il n'en avait jamais vu de sa vie. Où était sa tête ?
"... Et c'est comme ça que je suis arrivée sur cette plage ! continuait Cornélia avant d'éclater d'un petit rire strident. Incroyable non ?
- Oui, approuva mécaniquement Rodrigue sans lui prêter la moindre attention."
Il déplaça précautionneusement chaque petit brin de légumes qui le composait et se rapprocha du corps immense de l'animal.
De plus près, il voyait ses flancs se soulever faiblement au rythme de sa respiration. Même s'il voyait une baleine pour la première fois, cela sautait aux yeux qu'elle n'était pas en grande forme. Pour ne pas dire en cours de décès. Rodrigue tentait d'imaginer comment une telle créature pouvait se déplacer. Cela lui semblait tout à fait impossible.
Piqué par la curiosité, il avança une fine lamelle de carotte vers la peau de la baleine. À peine l'avait-il touchée qu'il sentit un regard pénétrant fixé sur lui. Il leva lentement la tête et tomba nez à nez avec un oeil immense d'un azur profond. Hypnotisé, il ne pouvait se détourner. Ce globe lui semblait plus bleu et plus profond que la mer elle-même.
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Cyndrigue, les amants maudits des profondeurs
HumorCynthia, Rodrigue. L'histoire d'amour hors du commun d'une baleine et d'une julienne de légumes. (Avec aussi un peu de viol, de tentacules et de badboy, parce qu'on veut percer. Et la présence de guests exclusifs, rien que pour vous. On t'aime Obiw...