Chapitre 16 : Repose en paix petit ange. </3

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Cynthia quitta avec hâte la grotte de Sylvain Pierre, les larmes brouillant sa vue, le corps sans vie de Rodrigue entre les nageoires. Elle nageait vite, voulant à tout prix s'éloigner de cet endroit.

Elle reprit à l'envers le chemin que leur avait indiqué Cyril Khnouna, la boule au ventre. Il faisait nuit, aucun poisson n'était de sortie. Les rues étaient vides. Elle était seule ; seule avec son fiancé mort serré contre sa poitrine de cétacé. De temps à autre, une ou deux lamelles de légume échappait à ses nageoires, et se perdait dans l'immensité de l'océan.

Lorsqu'elle arriva enfin devant la crique qu'elle habitait avec Rodrigue, ses sanglots reprirent. Les souvenirs resurgissaient un par un, il était impossible qu'elle demeure ici une seconde de plus. Elle ne voulait pas aller voir son amie Mélodie, cette groupie adulatrice de marabouts marocains. Cynthia décida alors de se rendre sur la tombe d'Obiwan pour se recueillir.

Elle creusa une petite fosse à côté de celle de leur ami et déposa délicatement le corps de Rodrigue dans sa dernière demeure. Elle embrassa une ultime fois les lamelles glacées de son amour perdu, puis elle recouvrit la fosse de sable. Lorsque les rayons de l'aube illuminèrent la sépulture, Cynthia s'assoupit enfin.

Son sommeil fut toutefois troublé par la remontée à la surface de nombreux souvenirs. Rodrigue lui annonçant qu'il l'aimait, Rodrigue et elle installés devant des sorbets de plancton, Rodrigue, Rodrigue, Rodrigue... Il était partout. Dans ses rêves, au moins, il était toujours vivant ; mais la réalité n'en serait que plus dure à accepter au réveil.

Elle ne dormit que trois heures, et lorsqu'elle se réveilla, elle pleurait toujours. Son cœur semblait s'être brisé en mille morceaux, et elle avait l'impression d'avoir des débris de verre dans son estomac. Tout son corps, tout son esprit... Elle n'était plus que douleur, détresse et désarroi.

Elle veilla toute la journée sur les deux sépultures. Couchée sur le fond de l'océan, elle leur faisait face, et regardait fixement les deux petits monts de sable qui trahissait la présence de deux corps enfouis. Obiwan et Rodrigue reposeraient à jamais l'un à côté de l'autre.

La nuit tombait à nouveau lorsque ses pleurs tarirent enfin. D'un coup de nageoire, elle se frotta les yeux, puis se redressa. Elle ne pouvait pas rester ici. Le souvenir de Rodrigue hanterait à jamais cet endroit, et elle n'avait d'autre choix que de partir. Son absence était déjà accablante, et Cynthia ne pouvait se résoudre à rester une seconde de plus en ce lieu qui avait vu naître leur amour.

Morose, elle quitta donc la crique sans un regard en arrière. Le crépuscule assombrissait les eaux profondes de l'océan. Cynthia avançait droit devant elle, à grands coups tristes de nageoire caudale. Par instinct, elle remonta en surface cracher l'eau de ses poumons, même si, au fond de son être, l'idée de se laisser mourir noyée au fond de l'eau ne lui était pas incommandante. De fines gouttes furent expulsées de son évent et brillèrent un instant dans la lumière du soleil couchant, et le cétacé avait déjà replongé.

Elle nagea sur plusieurs kilomètres, au hasard, se laissant porter par le courant. Il faisait nuit noire. Alors que ses paupières se faisaient lourdes de sommeil, un objet chaud et musclé interrompit sa dérive.

Cyndrigue, les amants maudits des profondeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant