Cyndrigue, les amants maudits des profondeurs

Chapitre 8 : La vie c'est pas du champomy

Les cinq pop stars attendaient tranquillement dans les coulisses. Haziz était perdu dans ses pensées ; il n'écoutait pas ce que racontait Zen et ne faisait que penser à ce sublime inconnu qu'il avait aperçu dans la fosse.

Nayeul tenta de dire quelque chose, mais sa voix de pingouin était incompréhensible parce qu'il respirait dans une bouteille de plongée. Parce qu'un pingouin ça respire pas sous l'eau les enfants.

"Regardez qui voilà, s'écria Lewis en regardant quelque part derrière Haziz."

Le concombre de mer se retourna et la première chose qu'il vit fut l'immense baleine qu'il avait aperçue au concert. Et à côté d'elle se tenait le petit tas d'épluchures qui avait fait chavirer son coeur.
Un sourire de triomphe fleurit sur son faciès végétal, pour venir le voir en coulisses la charmante créature devait avoir remarqué ses regards sensuels pendant le show.
Le grand jeu de la séduction pouvait débuter, et comme toujours il en serait le gagnant.

"J'arrive pas à y croiiiiiire !! C'est vraiment vous, olala je vais faire un malaise !" hurlait Mélodie en se précipitant vers ses idoles.

Cynthia et Rodrigue étaient plus circonspects et la suivirent lentement.

Haziz prit alors la parole de sa voix chaude et grave :

"Bonjour à vous mes jolies, avant toute chose je propose que vous nous disiez vos petits noms, assortissant sa phrase d'un regard charmeur vers Rodrigue."

Avant que la baleine et la julienne puisse ouvrir la bouche Mélodie s'élança :

"Alors moi c'est Mélodie, je vous suis depuis le tout début et je suis trop fan de vous vraiment vos chansons ont tellement changé ma vie quoi c'est...

- D'accord merci Mélodie, lança Haziz rapidement.

- Mon nom est Cynthia, dit la baleine timidement.

- Je m'appelle Rodrigue, lança le jeune légume.

- Écoutez moi mes beautés, on va se poser avec des petits cocktails d'algues, ça sera parfait ! proposa Lyamm au grand plaisir du groupe."

Tous prirent place en cercle, et Haziz en profita pour se placer juste à côté de Rodrigue. Son désir pour la mystérieuse créature avait encore augmenté en découvrant ce magnifique prénom aux consonances hispaniques qui lui allait si bien.

Très vite Mélodie se lança dans une discussion passionnée avec Zen et Nayeul au sujet de la profondeur métaphorique de leurs textes, tandis que Lewis le narval s'entretenait avec Cynthia sur son enfance. Lyamm quant à lui était trop occupé à lisser soigneusement ses longs cheveux pour discuter.
Haziz en profita pour engager la conversation avec Rodrigue.

"Alors parle moi un peu de toi, une si charmante créature doit avoir une vie passionnante !

- Je suis une julienne de légumes enfin c'est très compliqué, je viens pas de l'océan. C'est Cynthia, la baleine, qui m'a fait découvrir tout ça.

- C'est fou vraiment. Et sinon tu me trouves comment ? Physiquement j'entends, demanda Haziz en bandant ses muscles.

- Eh bien.. Vous êtes charmant, et doté d'une belle plastique, répondit Rodrigue en rougissant, désarçonné par la question.

- Je vois, sourit le concombre en plantant son regard sensuel dans celui de la julienne de légumes. Laisse moi te dire ce que je pense de toi à présent, souffla-t-il en s'approchant."

Haziz colla sa bouche contre Rodrigue pour lui susurrer à l'oreille :

- Tu es magnifique ma belle, si tu savais a quel point j'ai envie de toi... La nuit qu'on va passer restera gravée dans ta mémoire..."

Tout en parlant, il caressait sensuellement un brin de céleri dissimulé sous la table, faisant frissonner Rodrigue, pris de panique. Il était effaré, lançait des retards de détresse autour de lui. Mais les avances de la pop-star passaient inaperçues.

"Je... Je suis désolé Monsieur Haziz, mais je.. Je ne suis pas intéressé.."

Rodrigue leva les yeux vers Cynthia. Tout en continuant sa discussion avec Lewis, elle semblait avoir remarqué le petit jeu de Haziz et foudroyait littéralement la petite julienne de légumes du regard. Sentant qu'il était sur le point de perdre sa bien-aimée, il n'en fallut pas moins à Rodrigue pour qu'il se ressaisisse et mette un terme au manège du concombre de mer marocain. 

"Je vous dis que je ne suis pas intéressé ! répéta-t-il cette fois avec plus d'assurance, s'éloignant de la star. La vie c'est pas du champomy mon gars, t'as cru tu pouvais me gérer comme ça ?"

Rodrigue était conscient qu'il se mettait à parler comme ces petits thons de cité peu éduqués et carburant à la poudre de crabe pygmé. Mais il se sentait plein d'une force nouvelle. Ce brusque changement de langage désarçonna Haziz, qui au fond de lui n'était finalement rien d'autre qu'un petit lover en manque d'affection. 

"Faut pas le prendre comme ça", bredouilla le concombre de mer.

Tous les regards étaient tournés vers Rodrigue. Celui brusqué, choqué et déçu d'Haziz. Celui, haineux, de Mélodie, parce qu'il avait osé offenser son idole. Celui, plein d'amour, de Cynthia. Et enfin, ceux des autres, qui ne comprenaient absolument rien à la situation. Ah, et ils avaient aussi perdu Lyamm en route : il était certainement parti s'admirer dans le miroir des toilettes.

"Je suis désolé, continuait Haziz, qui pensait pouvoir amadouer la julienne en s'excusant, je ne sais pas ce qui m'a pris de dire des choses pareilles... Veux-tu accepter ces cornes de gazelle en guise de pardon ?"

Et là (parce que c'est secrètement un sorcier, parce qu'il est marocain y'know), il fit apparaître un plateau de pâtisseries sous le nez de Rodrigue. La julienne de légume dû admettre que c'était les plus belles cornes de gazelle qu'il eut jamais vues : très grosses, d'une belle couleur dorée et généreusement saupoudrées de sucre blanc, leur odeur était divine. Néanmoins il hésitait à les accepter de peur qu'Haziz ne prenne ça comme un encouragement à leur relation.

Devant l'absence de réaction de Rodrigue le concombre sentit sa gorge se serrer, et ne put que murmurer à nouveau :

"Prends en juste une.. S'il te plaît... Je te promets qu'après ça je te laisserai en paix, ça m'aiderait simplement à supporter ce rejet."

Réalisant la détresse de la pop-star, un élan de compassion traversa la julienne de légumes, qui saisit une des pâtisseries et commença à la grignoter. Comme il s'en était douté, elle était exquise.

"Tu sais tu peux toujours venir me voir dans ma loge un autre soir, je trouverais toujours une place pour toi contre mon torse musclé, tenta Haziz une dernière fois.

- Non Haziz c'est inutile, oublie moi, répondit fermement Rodrigue."

Cette fois le concombre ne put retenir ses larmes. Il tourna le dos à son amour et s'en alla en sanglotant désespérément, Mélodie s'élançant sur ses talons pour consoler son idole.

Cynthia entoura Rodrigue de sa grande nageoire :

"Mélodie va s'occuper de lui, ne t'inquiète pas trop pour lui. Viens avec moi on rentre à la maison, on aura qu'à regarder Touche Pas A Mon Récif en mangeant des trucs sucrés, ça te changera les idées !

- Merci Cynthia, chuchota-t-il en sentant ses remords s'effacer peu à peu."