Chapitre XV (1)

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La victoire remportée avait un goût amer. D'ailleurs, s'agissait-il bien d'une victoire ? Veronika se le demandait. Durant le reste de la journée, Arpad arbora une figure maussade et lui adressa à peine la parole. Les convenances l'obligeaient à rester auprès d'elle, mais après le déjeuner servi dans les appartements, il n'y tint plus. Après un bref « Je sors » il la laissa seule et assez désemparée. Au point de regretter son coup de force de tout à l'heure. « Quelle mouche m'a piquée ? se répétait-elle.» Vers les six heures, elle fut saisie d'un véritable désespoir. Sans sa stupidité, elle roulerait en direction de Budapest avec Arpad à ses côtés. Valérie la surprit en pleine crise de larmes.

« Je connais ça, petite cousine ! s'exclama-t-elle en lui tendant son propre mouchoir. La fatigue, l'énervement... Le lendemain de notre mariage, François-Salvator a dû sécher mes pleurs à plusieurs reprises. »

Veronika acquiesça. Son cœur était lourd de peine. Dommage de ne pouvoir se confier à sa demi sœur. 

« Arpad n'a pas...beaucoup de patience », balbutia-t-elle.

— Les Hongrois sont impétueux mais ils font d'excellents maris. Ma mère rêvait de m'en voir épouser un ; je l'ai déçue. En confidence, bien que née là-bas, je me sens autrichienne par toutes mes fibres. »

« Et moi, d'où suis-je ? se demanda Veronika. Je ne peux me revendiquer de nulle part. » Et elle se tamponna les yeux de plus belle. Valérie poursuivit : « Je suis surprise de vous trouver ici. Ne deviez-vous pas partir ce soir ?

— Si ; nous avons annulé, à cause de l'invitation du comte Esterhazy."

L'archiduchesse haussa ses sourcils d'un blond clair, à l'image de ses cheveux. 

« Étrange. Je ne vous croyais pas si liés le comte et vous.

— Nous avons sympathisé à l'occasion de votre anniversaire, Votre Majesté.

— Valérie. Oui, je me rappelle vous avoir mise en garde contre lui. Eh bien ! vous voilà en puissance d'époux, rien ne s'oppose plus à ce que vous fréquentiez le beau Nicky.

— Arpad n'est pas de cet avis, dit Veronika spontanément. Il m'a fait une scène. C'est pourquoi j'étais en larmes à votre arrivée.

— Une scène de jalousie ? Mais c'est merveilleux, surtout si l'on pense aux circonstances de votre union. »

Veronika jeta à l'archiduchesse un regard inquiet. Que savait-elle exactement ? « Maman m'a parlé du projet avorté avec le neveu de Nicky, enchaîna Valérie. Et puis, ce jeune et charmant lieutenant est apparu comme par miracle. Si en plus il vous aime...

Arpad, l'aimer ? Veronika se retint de protester pour accréditer cette fable. Non, il n'était ni amoureux ni jaloux : seulement exigeant et tyrannique. Cette constatation l'apaisa. Après tout, elle avait autre chose à faire que de pleurer : élire une robe du soir, par exemple. La plupart des malles ayant été sanglées, il en restait deux disponibles : l'une en satin couleur des feuilles nouvelles et l'autre en velours d'un bleu profond. La préférence de Valérie qui allait à la seconde Un peu chaude pour la saison, mais elle valorise votre teint et vos cheveux guida son choix.

La fille du dimancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant