Chapitre VI (2)

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Ses bonnes résolutions s'envolèrent quand Mitzi lui apparut vêtue de sa seule nudité. Il avait offert de la déshabiller lui-même, mais elle avait refusé.

« Par coquetterie, avait-elle dit, tu pourras juger de l'ensemble une fois toutes les pièces tombées. » Un poêle en faïence entretenait une douce tiédeur dans la chambre. Ici, point de dorures ou d'éléments rococo comme à la Hofburg. L'intérieur des Shönborn était douillet et cossu.

Débarrassé du carcan du corset, le buste de Mitzi tenait ses promesses. À la vue des seins érigés, aux aréoles brun sombre, Arpad esquissa un pas en avant. Leur propriétaire lui signifia par un « non » de la tête que le moment n'était pas encore arrivé. Si chapeau, blouse et jupe avaient chu sur le tapis de haute laine, les jambes étaient toujours voilées de soie et les pieds emprisonnés dans les bottines. Mitzi ôta ces dernières l'une après l'autre, sans hâte. Après, vint le tour des bas qu'elle fit glisser avec une lenteur calculée. Dans le geste, son corps pivota de trois-quarts, dévoilant les rondeurs de sa croupe. Arpad se mit à transpirer abondamment ; des gouttelettes de sueur mouillaient son front et son membre tendait à craquer son pantalon d'uniforme. 

« Mon pauvre amour, tu es en nage, dit Mitzi d'une voix suave. Je t'assure, tu devrais ôter ta veste. »

Il l'entendait à peine, à cause de ses oreilles bourdonnantes et de son sang cognant à ses tempes. Mitzi s'avança vers lui. Pieds nus, elle paraissait plus petite, plus fragile, semblable à une statuette de saxe. Elle le dépouilla elle-même de la vareuse à brandebourgs. Ses doigts agiles déboutonnèrent la chemise, parcoururent le torse et le ventre, provoquant des sensations inouïes. La boucle de ceinture céda sous leur impatience ; les paumes en coupe emprisonnèrent le sexe gonflé dont elles augmentèrent encore le volume. Le jeune homme n'y tint plus. De ses mains, il modela les formes de Mitzi, des épaules aux hanches, s'aventura au creux des reins et plus bas, là où saillait l'émouvant fessier. 

Le lit n'était distant que de quelques mètres. Arpad souleva Mitzi sans peine et la déposa délicatement sur la courtepointe matelassée. La tête s'enfonça dans les oreillers de plumes où la chevelure étalée forma une tache d'encre. Arpad se libéra de l'entrave de son pantalon et rejoignit la jeune femme. Il écrasa sa poitrine contre les seins ronds, souda son ventre à celui de Mitzi, emmêla ses jambes aux jambes joliment galbées, de la cuisse aux doigts de pieds. Leurs visages se touchaient, au point de sentir les cils de Mitzi battre sur sa joue. Le blanc de l'œil faisait paraitre l'iris presque noir. Arpad écrasa sa bouche contre la bouche charnue tandis que Mitzi lui entourait le cou de ses bras. Leurs langues se goûtèrent, s'explorèrent à loisir. Arpad n'était plus du tout sûr de quitter sa conquête avant l'aube. Vu la manière désinvolte dont Georgi avait été congédié, mieux valait profiter au maximum de l'instant présent.


"J'avais seize ans quand mon père m'a vendue au baron Shönborn, expliqua Mitzi un peu plus tard. Il était banquier et a fait de mauvaises affaires. Nous étions complètement ruinés. Papa a trouvé le moyen de se renflouer en me livrant au plus offrant."

Elle en parlait avec détachement, tout en dessinant du doigt la fossette du menton qui divisait le menton d'Arpad. 

« Tu as dû beaucoup souffrir, mon ange, observa le jeune homme. » 

Et il enveloppa Mitzi de ses bras. Tous deux se reposaient après des ébats qui reléguaient les précédentes liaisons d'Arpad à des jeux insipides. Même son initiatrice, l'amie de la famille, ne pesait pas lourd à côté de la voluptueuse baronne. Il avait possédé Mitzi à plusieurs reprises au cours des dernières heures et chaque fois, elle avait répondu avec fougue à ses sollicitations : en somme la maîtresse idéale. Les confidences qu'elle venait de lui faire l'émouvaient juste assez pour donner une note sentimentale à leur relation.

La fille du dimancheOù les histoires vivent. Découvrez maintenant