Le chemisier blanc du Graben arboré aujourd'hui par Veronika avait beau être seyant, ses longues manches et son col montant ne convenaient pas pour une soirée. Et les florins de John Hartnell ne suffiraient pas pour acheter une robe habillée. La comtesse Larisch se dirigea vers l'armoire qu'elle ouvrit à deux battants. Une débauche de taffetas, de tulle et de moire où le rouge et le noir dominaient apparut aux yeux ahuris de Veronika.
« Voilà, vous n'aurez qu'à vous servir, déclara Marie avec un geste large de la main. Les vautours n'ont pas emporté mes nippes. »
La jeune fille s'approcha et d'un doigt timide, caressa les étoffes. Il y avait là des tenues pour toutes les occasions. Elle s'attarda aux robes du soir dont le décolleté audacieux la fit rougir. De plus, les couleurs ne correspondaient pas à son âge.
« Elles sont très belles, dit-elle poliment, mais ne devrais-je pas porter du blanc ? »
En guise de réponse, Marie décrocha une robe de satin vert clair et la plaça devant Veronika.
« Trop fade, décréta-t-elle. Ceci vous mettra davantage en valeur. »
La jeune fille secoua la tête, dubitative.
« La coupe est trop osée. Je ne peux pas exhiber ainsi mes épaules et ma poitrine.
— Essayez-la, au moins ! Vous verrez après. »
Pourquoi pas, après tout ? Veronika n'avait jamais eu l'occasion de revêtir une telle splendeur. Un canard paré des plumes du paon, pensa-t-elle en se déshabillant. Se retrouver presque nue face à une étrangère ne la gênait pas. Marie lui inspirait une confiance absolue du fait de sa parenté avec l'impératrice. Une fois la robe enfilée, Veronika éprouva une sorte de griserie. Le corsage s'ajustait à la perfection au buste tandis que la jupe moulait les hanches et le ventre comme une gaine. Marie battit des mains :
« Vous avez l'air d'une princesse, dit-elle. »
Tout à sa contemplation de l'image renvoyée par la glace, la jeune fille ne remarqua pas la lueur équivoque dans les yeux de Marie. Elle se reconnaissait à peine. La chair de ses bras, de son cou et de sa gorge paraissait retenir la lumière, sa chevelure ressemblait à une torche ardente. Elle pivota de trois-quarts pour s'admirer sous toutes ses coutures. La jupe formait à l'arrière une sorte de retroussis, ponctué d'un gros nœud du plus bel effet.
« Elle est un peu courte, observa Marie, je suis plus petite. »
En effet l'ourlet découvrait l'amorce des chevilles. Les bottines rustiques juraient avec l'élégance de l'ensemble. « Par chance, ma fille cadette a la même pointure que vous, ajouta la comtesse. »
Elle quitta la pièce et revint quelques minutes plus tard avec une paire de mules argentées.
« Mon Dieu ! Comme mes pieds sont grands ! s'écria Veronika après s'être chaussée.
— On ne les verra pas dans la loge."
Veronika interrogea à nouveau son reflet pour se convaincre que c'était bien elle, cette séduisante créature. Marie commenta:
« Il vous manque des bijoux. Les miens sont en gage, dommage ! Mais le jeune Esterazy ne demandera qu'à vous couvrir de diamants.
— Je m'en moque. Je cherche autre chose de plus précieux.
— L'amour, je suppose. On le trouve rarement dans le mariage ; en tout cas dans les unions arrangées. Ma deuxième expérience est beaucoup plus satisfaisante. Alors, m'accompagnerez-vous demain soir ?
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La fille du dimanche
أدب تاريخيVienne, avril 1898, Le lieutenant Arpad Ferenczy, séduisant officier Hongrois, est chargé par l'impératrice Elisabeth d'Autriche: Sissi, de ramener d'Angleterre une mystérieuse jeune fille. Qui est en réalité Veronika dont l'existence peut menacer...