23 juin 1882

790 83 0
                                    

Même avec ma bourse, nous ne pouvions pas vivre ainsi sans travail. C'est alors que je décidais en me levant de trouver un travail pour nous afin de faire l'achat d'un habitat nous appartenant.

Je quittais la salle d'eau, Marlène sommeillait encore sur le matelas avec le drap entre ses cuisses, je nourrissais mes yeux en la regardant bouger durant son sommeil et je m'approchais d'elle dès que ses gestes se faisaient plus brutaux. Des cauchemars la hantaient encore, mais elle m'avait avoué qu'ils étaient moins fréquents en ma présence.

̶ Non ! articulait-elle en serrant ma main.

Je l'immobilisais de tout mon poids sans l'écraser en m'approchant de son visage pour qu'elle sache que je suis là, je susurrais son prénom pour qu'elle se réveille et elle ouvrit les yeux avant que le mauvais songe empire, la respiration haletante dans mon cou, le front transpirant et probablement le regard perdu.

̶ Monsieur Donovan, soupirait-elle en touchant mes cheveux.

̶ Tout va bien, je suis avec vous.

Elle hochait la tête en me gardant contre elle, je l'embrassais brièvement pour la rassurer, des sourires échangés prirent place sur nos faciès et je m'asseyais avec elle une fois calmée, l'incitant à continuer de se lover contre moi en prenant son bras se posant délicatement sur mes épaules.

̶ J'ai fais les comptes lorsque vous dormiez. Nous pouvons tenir cinq semaines avec ma bourse. Il nous faudrait un travail pour vivre ici avant de pouvoir trouver un logement définitif. Que pensez-vous d'aller demander aux commerçants s'ils ont besoin de deux travailleurs ?

Je me défis de ses bras, elle se leva, nous déjeunâmes sur le matelas autour d'un plateau et nous nous préparâmes en vitesse pour pouvoir chercher du travail. Elle avait revêtu d'une robe bordeaux peu bouffante que ma sœur lui avait donnée avec joie, j'arrangeais son bandeau sur sa tête et nous sortions les mains liées de l'auberge qui nous abritait.

̶ Marlène ? Nous irons plus vite sur Isaac, lui appris-je en l'incitant à venir contre moi.

̶ Vous êtes sûr ?

̶ J'en suis certain.

Je sortis Isaac de l'enclos munit d'une toiture où les chevaux étaient présents. Ils étaient séparés par une planche en bois et un morceau de bois avec nos noms gravés était suspendu sur la porte correspondant à Isaac. Je le sortis, le confiais à Marlène qui l'apaisait lorsque j'installais la large selle en cuir et je la serrais sans l'étouffer.

Pour plus de précaution, je fis monter Marlène pour qu'elle s'asseye horizontalement sur la selle en tenant la corde, plaçais la bride et le mors pour pouvoir contrôler le pur-sang, refermais la porte en emmenant Isaac derrière moi.

̶ Mettez votre main autour de son cou, lui conseillais-je. Doucement.

Il ne se braqua pas quand elle s'accrocha à lui et je sortais paisiblement du « centre équestre » aménagé de l'auberge. Je montais sur la selle derrière Marlène, posais mes pieds de par et d'autre, lui montrais comment prendre appui sur moi et mon bras serra sa taille lorsque je fis signe à Isaac d'avancer.

̶ Je vous tiens, chuchotais-je en arpentant la large route.

Son front se posait dans mon cou et je fixais les bâtiments en briques rouge ou jaune pour trouver des commerces. Nous en repérions de tous genres : épicerie, papeterie, boulangerie, boucherie, boutique de fleurs, maroquinerie... Marlène s'émerveillait, elle découvrait le monde extérieur dont on l'avait privé.

La papeterie et la boucherie nous refusèrent puisque Marlène n'était pas une femme blanche. Ils avaient regretté de ne pas accepter deux travailleurs puisque je leur répondais clairement qu'il n'était pas pensable qu'elle soit discriminée alors que le racisme et l'esclavage devaient être détruits depuis février 1865.

Les Amants InterditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant