31 mai 1882

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Mes yeux faillirent de sécher, et pourtant, ils ne voulaient toujours pas se fermer lors de l'apparition du soleil. Je l'avais regardée toute la nuit grâce à la lumière de la lune, puis avec l'aube qui laissait place au soleil matinal fondant sur la verdure. Observée dormant paisiblement et calmement.

Son grain de peau imitait le café au lait, ses cils étaient longs et ses lèvres, bon Dieu, ses lèvres appelaient les miennes depuis que mes pupilles s'étaient reposées sur celles-ci. Elle fronçait les sourcils, serrait mon vêtement entre ses doigts durant son sommeil et j'attrapais directement sa main. Sans vraiment réfléchir.

Elle tenait mon vêtement de plus en plus fort, ses phalanges se contractaient durement et il ne me fallut pas plus de génie pour avoir conscience que le cauchemar venait de l'emporter.

- Calmez-vous, chuchotais-je en m'approchant de son pavillon. Calmez-vous, Marlène, ce n'est qu'un mauvais songe.

Mon enchanteresse respirait difficilement, je mis ma main dans son cou, elle se recroquevilla contre moi et forçait ses paupières à se plisser davantage. Je devais la tirer de ce cauchemar avant qu'elle ne se réveille encore plus effrayée qu'à cet instant. Je touchais lentement sa joue, de manière à signaler ma présence puis elle gémissait plus bas.

- Non ! hurlait-elle.

- Marlène, répétais-je en pressant sa hanche.

Un dernier froncement de sourcils, elle ouvrit ses yeux de biche en pleurs. Il ne me restait plus que deux choses à faire : la rassurer et tenter de développer cette mauvaise pensée mobilisant son inconscient pour savoir ce qui la tourmentait.

Affolée, elle palpa mon torse par-dessus mon vêtement humidifié par sa sueur frontale et ses pleurs, son bras quitta la redingote que je lui avais prêtée la veille puis je gardai sa main dans la mienne avant de l'affronter visuellement. Elle avait besoin d'être consolée, je savais de quelle manière fonctionnait-elle, même si cette nuit ensemble était notre première parmi tant d'autres que j'envisageais.

- Racontez-moi, lui demandais-je doucement.

- Monsieur...

- Je vous en prie, Marlène, contez-moi cela, la coupais-je en m'approchant de son visage.

Inspirant longuement, son cœur battait en decrescendo contre mon flanc et je souriais dès que je compris l'apaisement que je parvenais à lui apporter. C'était ce que je voulais, qu'elle se calme.

- La... La mort, Jonah...

- Celle d'un être cher ?

- Ma mère... Je... Non. Ça ne vous intéressera pas, décrétait-elle en pliant ses genoux.

Ces derniers entrèrent en collision avec les miens, elle me fixait, désormais, et je lui intimais que mon intérêt pour elle volait largement plus haut que celui pour ma promise. Une fois de plus, elle en fut flattée même si aucun sourire ne se traça sur sa jolie bouche finement dessinée.

- Ils l'ont tué... débutait-elle. Ils l'ont volé, notre ferme, notre petite pile de pièce. Puis ils l'ont éliminée...

Je l'écoutais attentivement et arrivais à me demander si ce n'était qu'un cauchemar effrayant ou bien un souvenir mortifiant. Devais-je lui demander pour parvenir à connaître quelque chose sur son passé ?

- Votre père... Monsieur Donovan, je suis navrée...

Je me rendis compte qu'elle savait aussi d'elle-même que Charles était mon paternel. J'osais espérer que ce n'était qu'un cauchemar. Si cela s'en avérait être un souvenir, je savais que ma tolérance envers un père raciste et irrespectueux ne comptait pas accepter ce type de comportement de sitôt.

Les Amants InterditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant