29 mai 1882

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Depuis mon altercation verbale avec mon père, je ne lui parlais pas vraiment. Il ne comprenait pas mes choix, il était persuadé que c'était une mauvaise influence des femmes des îles rabattant la terre jusqu'à en perdre haleine.

Il n'avait pas totalement tort mais j'étais déjà contre cette idée du mariage avant de rencontrer Marlène. A cet instant, j'étais d'autant plus contre cette issue puisque je n'avais d'yeux que pour cette autre femme me faisant frôler l'interdit.

C'était cela, qui me faisait me sentir plus vif. L'interdit. Et bon Dieu, j'aimais cette sensation.

Aujourd'hui, le soleil brillait haut dans un ciel bleu accueillant. Bien évidemment, je comptais quitter la demeure pour discuter un peu avec les esclaves, dont une, plus précisément. Désormais, elle arrivait de temps en temps à m'appeler par mon prénom et chaque fois que ce son quittait ses lèvres, je souriais en prenant compte de son combat contre la timidité.

Je refermais la porte d'entrée de la demeure en prévenant Alfred de ma sortie, comme je le faisais habituellement, puis marchais paisiblement sur le sol en bois servant de terrasse abritée.

J'arpentais la verdure, l'air de rien, et dès qu'elle me vit approcher, ses yeux se mirent à briller. Cela me fit machinalement sourire.

Elle informait les autres femmes, dans une langue que je ne connaissais pas, qu'elle comptait faire quelque chose, probablement. Les mots étaient, pour la plupart, transparents, mais son accent m'empêchait souvent de comprendre ce qu'elle disait.

Elle me jeta un regard discret, je me mis à faire semblant de m'intéresser à autre chose en scrutant les esclaves en train de couper du bois fraîchement livré et Marlène disparut dans la grange. Nous nous amusions souvent à faire ça depuis qu'elle m'avait touché le visage, elle faisait diversion, je m'occupais d'autre chose et nous nous retrouvions dans la grange.

Seuls.

J'observais la fenêtre du bureau de Charles, personne ne semblait scruter mes actes et je m'avançais, impatient, dans cette grange où je passais de bons moments en sa compagnie.

- Bonjour Marlène.

Elle ne me fixait pas toujours dans les yeux mais ça ne me blessait pas. Elle avait raison de faire ça, c'était dangereux de nous fréquenter ainsi, nous le savions mieux que quiconque mais nous aimions nous aventurer vers le fruit défendu.

Elle me captivait et j'étais certain que je suscitais quelque chose de son côté. Elle ne pouvait pas être indifférente si elle engendrait autant de risque pour me voir personnellement.

- Bonjour monsieur.

- Nous sommes repassés à monsieur aujourd'hui, commentais-je plus fort que moi.

En somme, son regard devenu hésitant m'indiquait sa nervosité. Je ne devais pas jouer avec sa timidité qui l'empêchait d'être elle-même. Soudainement, j'eu une idée pouvant la relaxer.

- Voulez-vous aller à l'étang ?

Marlène hochait la tête, je m'accroupissais et débloquais les chaînes alourdies par des boules de métal autour de ses chevilles. Elle avait enlevé les morceaux de tissus puisqu'ils étaient usés et que mes initiales étaient brodées dessus. Elle ne voulait pas que je me fasse prendre et je trouvais ce geste si attentionné qu'il en devenait charmant.

- Venez, imposais-je en lui montrant mon bras.

- Je vous suis.

Nous quittions la grange rapidement et nous baladions jusqu'à l'étendue d'eau, son bras toujours accroché au mien. Muettement, nous siégions sur le gros rocher planté dans le sol, sur lequel je restais seul avant ces derniers jours de folie.

Les Amants InterditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant