12 août 1882

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̶ Nous vous amenons la soupe aux choux et le potage Valdèze. S'en suivra de chapon rôti au cresson accompagné de timbales de nouilles à l'italienne et de tomates à la provençale, annonçait clairement et galamment le serveur.

Nous étions autour d'une grande table ronde de treize personnes en nous comptant, Marlène et moi, je hochais la tête avec mon voisin en écoutant attentivement les plats annoncé composants le dîner, puis le jeune garçon reprit dans le vacarme constitué de rires et de cris dans la grande pièce du restaurant :

̶ En dessert, nous vous préparons des bavaroises au chocolat, des gâteaux au moka ainsi que des beignets soufflés puisque mademoiselle Cohen n'apprécie pas les pâtisseries chocolatées. Cela vous convient ? Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

̶ C'est parfait. Je vous remercie, adresse monsieur Brown.

̶ Vous m'ôtez les mots de la bouche, riais-je avec mon voisin.

Le serveur nous adressa un signe de tête compréhensif en mordant un sourire amusé et repartit en cuisine très rapidement et très agilement.

Les éclats résonnaient aux quatre coins de la pièce luxueuse, la joie inondait les cœurs, le plaisir était à son paroxysme ; ce dîner était une véritable réussite même si je ne connaissais pas encore tous les invités à la table.

La salle était munie de grands et hauts murs saumon avec des bordures dorées. Quand aux lustres, ils étaient très nombreux, soit c'était lumineux et accueillant pour dîner en ce lieu réputé pour la bonne nourriture et le service plus qu'agréable.

Des femmes chantaient avec un fond de harpe et d'autres instruments qui m'étaient inconnus, c'était très joli, mais nous n'entendions pas vraiment la mélodie avec les conversations qui se faisaient excessivement bruyantes. Le restaurant était plein, ce soir-là, les gens étaient heureux de se trouver autour une belle table.

Monsieur Paterson avait un peu bu lors de l'apéritif, il avait faillit danser sur les tables recouvertes de nappes blanches, Marlène discutait avec un autre homme qui tentait de lui faire du charme sous mes yeux et je faisais tout mon possible pour rester calme face à cette pulsion jalouse qui empalait ma raison, tout en écoutant le débat créé sur la décision du Congrès consistant à exclure les chinois, obligeant l'exclusion du pays pour limiter les migrations allant au-delà de dix années sur le sol américain.

̶ Le Congrès ! C'est toujours le Congrès qui décide !

̶ Les chinois profitent en séjournant trop longtemps, défendait monsieur Brown. Il avait raison de prendre cette ferme décision.

̶ Hé bien s'ils travaillent et sont en règle... soupirais-je. Je n'y vois pas de mal à les laisser en ces lieux.

̶ Cela s'est fait sans notre accord. Le Congrès a voté pour cette loi et j'ai entendu dire qu'il est probable que ce soit étendu à l'encontre des japonais ! Allons-nous interdire toute migration d'un communal pays ? Les Italiano vont nous priver de leur riche culture ? Les boutiques vont-elles finir par fermer et nous laisser pourrir puisque nous allons manquer de provisions et d'étoffes nécessaires en provenance des pays exotiques ? C'est un crime de les expulser aussi cruellement ! Bon Dieu, de qui est vraiment composé ce Congrès ? Des traîtres, de toute évidence !

Monsieur Brown, Paterson ainsi que Carpentier -un canadien constamment en désaccord avec les décisions gouvernementales qui venait tout juste de s'exprimer- s'offusquait devant cette décision qui avait été prise sans notre accord, c'était bien vrai. Ces doigts familiers me rappelèrent à l'ordre sous la table dès que je demandais à Richard de se tenir tranquille à table, je voulais lui faire boire l'air frais puisqu'il était saoul, mais il n'était pas question de laisser Marlène ici avec monsieur Steele.

Les Amants InterditsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant