Partie I - 1

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Partie 1 - De l'autre côté


5 juin 2016

« - Flora, Julie, on se dépêche... » Grogne mon frère.

Je soupire en échangeant un regard avec Julie, puis nous nous décidons à replier nos miroirs et boites à maquillage pour rejoindre les garçons dans le couloir. Nous avons traîné dans nos chambres toute la matinée, jusqu'à sauter le petit déjeuner et directement attaquer le repas du midi. La boîte de nuit de la veille nous avait aussi esquinté que le décalage horaire à notre arrivée.

Nous logeons au ryokan Izuyasu. Les ryokan sont les auberges traditionnelles japonaises telles qu'on les imagine ordinairement. Grande maison aux portes coulissantes et au sol recouvert de tatamis. Un petit jardin fleurit à l'intérieur de la bâtisse, jardin que nous pouvons admirer en empruntant l'exigu couloir bordant les chambres.

Cela fait déjà une semaine et demie que nous sommes arrivés au Japon. Marin, mon frère de deux ans mon aîné, et Adrien, mon petit-ami depuis six mois, n'ont jamais été si souriants. Chaque nouvelle rue éveille en eux des expressions béates que Julie et moi prenons plaisir à immortaliser. Si les innombrables boutiques de figurines de jeu vidéo nous laissent de marbre, le wifi gratuit dans les rues, lui, fait notre plus grand bonheur.

Notre programme de visites touristiques va bon train. Près de la moitié des sites que les garçons voulaient voir ont déjà été rayés de la liste. Nous avons gravit la tour de Kyoto, arpenté le Chemin de la Philosophie, remonté la rivière Kamo-gawa, foulé les salles et les jardins du Château de Nijô, exploré le Musée International du Manga, goûté aux spécialités locales du marché de Nishiki, marché dans le parc Maruyama et sillonné plusieurs temples bouddhistes. Nos budgets respectifs diminuent plus vite que prévu, en cause les différents bars, clubs et cafés que nous avons fréquenté, mais les jours passent calmement et chaque soirée se révèle plus agréable que les précédentes.

Séduits par la rivière Kamo-gawa depuis notre première promenade sur sa berge, nous nous y rendons presque machinalement et nous y installons pour grignoter quelques friandises aux goûts farfelus que les garçons ont déniché dans un distributeur.

« - Tu veux des bonbons à la tomate ? » Me demande Adrien en me tendant le paquet.

Je grimace en regardant les petites boules rouges roulant à l'intérieur. Je lui fais non de la tête. Après les chewing-gums à la rose, les kit-kat au thé vert et les biscuits à l'avocat, voilà qu'ils s'essayaient aux bonbons à la tomate. Je serais curieuse de savoir comment ça se passe dans les laboratoires d'arômes.

Un courant d'air chaud me fait frissonner. Adrien dépose sa veste sur mes épaules, je lui souris, il m'embrasse furtivement puis retourne farfouiller son paquet de bonbon.

L'été japonais est bien plus humide que l'été français. Nous avons plusieurs fois été surpris par des averses aussi brèves que torrentielles. Je lève la tête au ciel pour être sûre qu'aucun nuage pluvieux ne vienne assombrir cette douce fin d'après-midi.

« - Alors les filles, vous qui étiez sceptique quant à notre choix de destination, le Japon, ça vous plait ? » Nous demande mon frère.

« - Pas mal, pas mal ! » Admet Julie en piquant un bonbon du paquet d'Adrien.

« - Flora ?

- Ce n'était pas une si mauvaise idée. » Avoué-je.

Des expressions victorieuses s'affichent sur les visages des garçons. Mon frère attrape Adrien par l'épaule et s'écrie :

Open Sea of BlossomsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant