6 juin 1864
« - Donc si je comprends bien... Tu ne sais absolument pas ce que tu fais à Kyoto et encore moins comment tu es arrivée à l'auberge Ikedaya ? »
Hijikata-aux-sourcils-froncés a l'air de commencer à assimiler ce que je m'évertue à répéter depuis le début de mon interrogatoire. On avance doucement.
« - Tu n'as jamais entendu parler des Choshu et tu ne sais pas comment tu as appris à parler un japonais si parfait. »
Je hoche la tête.
« - Tu t'appelles Pulola... Pulo-... Hana, tu viens de France et tu es seule ici.
- C'est ça. »
En réalité, une partie de moi espère qu'Adrien ou mon frère ont été transporté, mais j'ai un gros doute.
« - ... Et tu espères qu'on va te croire ? »
... Hein ?
Je croise le regard agacé d'Hijikata. Il est assis devant moi, les jambes repliées sous son corps, les mains posées sur ses genoux. Kondô l'imite à sa droite, Sôji, lui, est resté debout près de la porte.
Je sais bien que mon histoire est difficile à avaler, j'ai moi-même encore du mal à réaliser ma situation, mais ça serait quand même sympa de me donner un peu de crédit. Je ne leur ai même pas parlé de la meilleur partie de mon récit : mon (probable) voyage dans le temps !
« - ... D'accord, donc si vous ne me croyez pas... Quelle est votre théorie à mon sujet ? » Demandé-je mal assurée.
« - ... Il serait plus probable que tu sois une espionne des occidentaux. »
... Moi ? Une espionne ? Ahah, il ne me connait pas celui-là. Je suis incapable de mentir sans bafouiller et virer au rouge cramoisi, alors être une espionne au service de l'Occident... Laissez-moi rire.
« - ... Ça serait probable, mais de nombreuses questions se posent quant à ta présence au lieu de rendez-vous des Choshu... » Continue Hijikata. « Savais-tu qu'ils prévoyaient de faire brûler la ville ?
- Faire brûler la ville ? » M'écrié-je. « ... Mais je ne sais même pas de qui vous parlez ! Et d'ailleurs, vous ne croyez pas que si j'étais une espionne au Japon, je serais un minimum asiatique ? Votre collègue là, Okita Sôji où je ne sais quoi, il a remarqué que j'étais occidentale même dans le noir ! Un poussin dans un terrier de renard passerait plus inaperçu ! »
Cette comparaison m'a totalement été inspirée par les traits fourbes de Sôji. A l'entente de son nom, il m'a lancé un petit regard irrité que je lui ai bien rendu.
Hijikata-aux-sourcils-froncés reste silencieux quelques secondes, puis il se tourne vers Kondô à sa droite.
« - Kondô, c'est toi le chef, qu'est-ce que tu en penses ?
- Mmh... » Réfléchis l'homme. « C'est vrai que sa présence ici est suspecte, mais j'ai du mal à croire que les Choshu feraient appel à une espionne étrangère... Ce sont des nationalistes endurcis, ils trancheraient en deux le moindre occidental qui croiserait leur route. »
Ah. Voilà qui est rassurant. Si je me souviens de mes cours d'histoire, les nationalistes sont des gens soucieux de préserver leur identité nationale en rejetant la présence d'étrangers sur leur territoire. Ou quelque chose comme ça. En gros, les étrangers : dehors.
Le tout est de savoir s'il y a beaucoup de gens de cet avis ici, car si c'est le cas, moi, ma peau blanche et mes yeux bleus, on risque vite d'avoir des problèmes.
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Open Sea of Blossoms
Historical FictionFlora passe un mois au Japon en compagnie de son frère, sa belle-soeur et son copain. Lors d'une soirée à Kyoto, elle se retrouve mystérieusement propulsée 150 ans plus tôt, dans le Japon du XIXe siècle, alors en pleine guerre civile. Elle est recue...