3.9 : l'espoir d'Odhrán

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Odhrán laissa s'écouler un filet de bave sanglant de sa bouche. Il n'avait plus la force d'avaler sa salive.
Il s'était recroquevillé au sol, pantelant, les bras encore tremblotants d'avoir supporté le poids de son corps aussi longtemps.
Pendant quelques secondes, il perdit connaissance, vaguant au gré de ses délires, puis il reprit connaissance, et revint à la douleur de la dernière volée de coups qu'il avait enduré.
Combien de fois allait-il encore supporter cette torture ?
Pendant combien de temps en aurait-il encore la force ?
Le bruit de la porte résonna, des pas s'approchèrent, une botte le poussa doucement. Il tressaillit.
Quelqu'un soupira et s'accroupit à côté de lui. Un bol de gruau fut déposé sur le sol de pierre dallée.
— Mange, dit la voix dans un murmure.
Mais Odhrán ne bougea pas. À quoi servirait-il de manger s'il devait mourir bientôt ?
À quel moment avait-il perdu courage ?
Mais l'homme ne l'entendait pas ainsi.
— Mange, si tu veux qu'on te sorte de là. Il faut que tu puisses marcher... Niall ne va pas te porter sur son dos...
À l'évocation du prénom de son frère, Odhrán tourna la tête et tenta de regarder l'homme, mais il ne le voyait qu'à contre-jour. Son visage était dans l'ombre. Il pouvait seulement apercevoir ses cheveux ras et sa barbe épaisse. Avant d'avoir pu le détailler davantage, l'homme se leva pour s'en aller.
— Attendez !
Sa voix était rocailleuse, déformée par le manque d'eau et les hurlements qu'il avait poussé.
Mais l'homme ne s'arrêta pas et disparut.
Odhrán laissa retomber sa tête au sol dans un soupir. Sa poitrine se soulevait douloureusement à chaque respiration, mais il prenait alors conscience qu'il n'était pas encore mort.
L'homme lui avait parlé de son frère. Est-ce qu'il allait venir le chercher ?
Il ne pouvait pas sortir d'ici tout seul, il en avait bien conscience. Il était trop mal en point, et ne savait même pas où il se trouvait.
Il se redressa avec une grimace et attrapa le bol. Il mangea. Tout. Avec ses doigts. Ils ne lui laissaient aucun ustensile dont il puisse se servir pour se défendre ou attaquer. Il s'en fichait. L'homme avait raison : s'il voulait sortir de là un jour, il fallait qu'il garde des forces. Après avoir englouti le gruau insipide dont il ne garda aucun goût, il se força à se lever et à marcher.
Prenant régulièrement appui sur les colonnes et sur les murs blancs, il fit le tour de sa cellule avant de s'allonger pour se reposer.

Le Roi en Exil, tome 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant