4.15 : Dans les Collines

2.8K 374 16
                                    

La forêt touffue laissa bientôt place aux collines verdoyantes parsemées d'énormes rochers séculaires.
Neve s'appuya sur l'un d'entre eux pour regarder en arrière le chemin parcouru. Ils étaient légèrement montés en altitude et elle pouvait maintenant voir l'immense forêt qu'ils avaient traversée, dans son ensemble.
Son cœur palpita de stupeur.
Le paysage était magnifique, à couper le souffle.
Devant elle, d'innombrables collines dont l'herbe courte était d'un beau vert brillant. Ça et là, des rochers venaient agrémenter ce tapis luxuriant de taches mordorées ou brun-jaune très claires. Un vent frais et piquant emmêlait ses cheveuhâléex, malgré tous ses efforts pour les retenir.
Derrière elle, la forêt suivait le ruban bleuté d'un fleuve qui serpentait paresseusement sous le soleil. À l'est, une autre forêt. Et plus loin encore, un plateau rocailleux et stérile.
La jeune femme leva la tête et vit Cavan qui l'observait, la mine toujours sombre. Il attendait qu'elle le rejoigne pour continuer à s'enfoncer dans le paysage. Ce qu'elle fit.
Quand il vit qu'elle s'était remise en route, le guerrier se détourna pour avancer. L'après-midi était déjà bien avancé, et il allait devoir leur trouver un abri pour la nuit. Heureusement, il connaissait bien les environs et savait qu'il y avait beaucoup de petites grottes dissimulées le plus souvent derrière les immenses rochers. Les montagnards, qui laissaient paître leur troupeau dans ces collines, s'en servaient régulièrement.
Neve le regarda aller d'un rocher à l'autre, le contourner et continuer sa route. Elle le rejoignit rapidement.
— Que fais-tu ? demanda-t-elle, essoufflée.
Cavan continua son cirque avant de lui répondre.
— Je cherche un abri.
Il fit le tour d'un nouveau bloc, mais ne sembla pas trouver ce qu'il cherchait. Il regarda autour de lui, examina attentivement les collines et les rochers qui les parsemaient.
Neve observa le guerrier. Il portait une chemise déchirée en plusieurs endroits et couverte de sang, serrée par la lanière de cuir où étaient suspendus son sabre à lame courte et ses dagues. Elle le trouvait toujours extrêmement attirant avec sa peau hâlée et son air sauvage.
Elle le regarda courir avec souplesse et descendre dans un vallon où coulait un petit ru d'eau claire. Le soleil se cacha derrière les nuages et la jeune femme frissonna, privée d'un seul coup de la chaleur réconfortante de l'astre lumineux. Elle contempla le tapis d'herbe onduler sous le vent. Après avoir resserrés les bras autour de son buste, elle courut à la suite du guerrier.
Il réussit enfin à dégoter un petit emplacement, couvert par une roche plate, enfoncée dans une pente. Le cairn était minuscule — à peine trois coudées* de profondeur et peut-être deux de largeur — mais il leur permettrait de se reposer sans avoir à souffrir de la pluie ou du vent.
Ils mangèrent silencieusement quelques baies récoltées alors qu'ils avançaient dans la forêt, qui remplirent à peine leurs estomacs mais qui eut le méritent de calmer la faim qui les tenaillait.
Puis Neve arracha un bout de tissu de ses jupons, alla le tremper dans le minuscule ruisselet et revint vers Cavan.
— Montre-moi tes blessures.
Sans rien dire, il desserra les lacets de sa chemise et la fit passer par dessus sa tête. Il s'allongea sur les coudes et laissa la guérisseuse nettoyer consciencieusement l'entaille de son ventre. Il grimaça quand il sentit les frottements du tissu sur les bords de la plaie à vif. Cette foutue blessure le brûlait depuis des heures !
Neve constata que des boursouflures entouraient la plaie infectée. Ce n'était pas catastrophique mais il valait mieux désinfecter. Elle sortit un des remèdes du sac qu'elle avait pris soin de garder avec elle, en versa sur le bout de tissu et tapota doucement la plaie.
Cavan contracta les muscles.
— Ça pique ?
Le guerrier hocha la tête.
— C'est bon signe, rétorqua Neve avec un sourire. C'est que le produit désinfecte.
L'homme murmura quelques mots indistincts, mais la laissa faire.
La blessure ne saignait pas. La guérisseuse trouva plus judicieux de la laisser à l'air libre pour que la cicatrisation se fasse plus rapidement.
Celle du bras, en revanche, était moins jolie à voir. Un liquide jaune poisseux suintait de l'estafilade. La plaie était sale, couverte de terre et de fibres de tissu.
Neve l'obligea à se lever et s'agenouiller au bord du ru pour pouvoir y rincer sa blessure à grande eau. Le liquide froid soulagea quelque peu la brûlure.
Une grimace déforma le visage de son compagnon. Neve ne put s'empêcher de rire.
— Qu'y-a-t-il de si drôle ? demanda Cavan, avec une moue vexée.
La jeune femme haussa les épaules.
— Vous êtes prêts à vous lancer, l'épée à la main, contre n'importe quels adversaires... Toi, Magnus, et tous les autres... Mais dès que vous avez une petite entaille, vous grimacez comme si on vous arrachait un membre.
Cavan prit un air offensé.
— Ce n'est pas une petite entaille ! fit-il, mortifié, son bras levé à hauteur de ses yeux. Et ça fait un mal de chien !
Neve fut prise d'un fou rire et l'aida à se relever pour repartir vers le cairn.
— Je veux bien te croire, rétorqua-t-elle après avoir repris un semblant de sérieux.
Elle finit de soigner la blessure en silence, sous le regard de Cavan, la banda soigneusement et le laissa enfin tranquille.

* 1 coudée = 50cm

Le Roi en Exil, tome 1 [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant