Améthys saison 1 _ Le Fardeau I (Terminée)

Chapitre 23

J'ATTENDS MON TOUR. Cette fois-ci, nous avons commencé par le milieu de la liste rouge. Le numéro 25, Lew, un middle class. L'attente est longue même si je ne suis pas dernière. Laine nous a accordés 5 minutes de plus pour vaincre ces monstres.

C'est bientôt à moi. J'ai repassé en boucle tout ce que m'a dit Flame à propos des Revlafs. Comment sait-il autant de choses sur eux ?

Je ne sais pas si je dois lui faire confiance.

La porte s'ouvre, Gill sort tout aussi pâle et blême que la première fois. À voir son visage et le regard des autres, personne n'a réussi à les vaincre. Je me lève et me dirige vers la porte.

― Bonjour Améthys, me dit la boudjelaihse.

Elle me scanne et fait apparaître mon arme. Je la prends et sors.

Le lieu n'a toujours pas changé. La terre rouge, les collines, le ciel orange, le calme. Je marche.

Les deux créatures apparaissent tout d'un coup et grognent. Je me demande comment je vais réussir à approcher leurs cœurs. Comment vais-je me glisser sous leur corps ?

Les monstres se précipitent alors sur moi. L'une des bêtes me lance sa patte. Je prends appui sur le sol et saute le plus haut possible. Par malheur, sa patte fait un trou dans la terre et de la poussière s'introduit dans mes yeux et m'étouffe. Je m'envole en lâchant une quinte de toux. Soudain, je reçois un coup ! Des griffes pénètrent ma chair. L'autre monstre m'a pris de court. Mon corps est propulsé et je percute un rocher. Je préfère rester immobile pour me soigner. Tant pis si Laine découvre quelque chose. Je laisserai quelques marques à la fin du combat.

Je n'ai pas le temps de me relever qu'un monstre est dans les airs et tend ses pattes prêtes à me saisir. Pour l'esquiver, je roule sur le dos. Aussitôt, je me redresse et je cours. Il me poursuit. Je m'élève dans les airs. Mais l'autre arrive en face de moi. Je suis comme une brebis entourée de loups affamés sur le point de la dévorer. J'ai peur. Mais je ne veux pas mourir. Pas tant que j'aurais découvert qui m'envoie ces cadeaux pour mon anniversaire.

J'évite ses attaques. Je passe sous son corps. Je regarde ses os. Le temps semble s'être arrêté un moment. J'entends les battements d'un cœur puis du second en dessous du bassin.

Je me heurte à un rocher. Mais je ne ressens pas de douleur. Je crois que j'ai trouvé comment m'y prendre.

Immédiatement, je me lève, l'un des monstres arrête sa course pour se retourner vers moi. L'autre s'élance sur moi. Je pense à Flame. À tout ce qu'il m'a dit. « Ils n'ont pas d'yeux. Mais ils ressentent tes mouvements. L'odeur de ta peur ». Les vibrations que je fais en marchant. C'est comme cela qu'ils me repèrent. Il ne faut plus que je bouge. Je ferme les yeux. Je repense au moment où il a posé sa main sur ma poitrine. Mon cœur qui s'était accéléré, et la question qu'il m'a posée. « Tu as peur de moi ? ». Non je n'ai pas peur de lui. Ces créatures me terrorisent. Mais ce qui me fait le plus peur, c'est moi. Je suis ma plus grande peur. Alors, ces créatures ne sont rien comparées à moi. Il faut que je me calme. Elles ressentent la peur, le battement de mon cœur qui s'accélère. J'inspire. Je me concentre sur les battements de mon cœur. Je les ralentis. J'ouvre les yeux. La créature s'arrête devant moi. Elle me tourne autour. Je regarde l'autre qui s'est aussi arrêté elle aussi. Je m'élève un peu du sol. Un galet roule et la créature la plus proche de moi, commence à faire un pas et hurle. Elle semble frustrée ! Je m'envole dans sa direction. Arrivée près d'elle, elle recule comme si elle sentait une menace. Je pénètre sous son corps. Je me concentre sur les battements de ses cœurs. Je transperce d'abord celui de sa poitrine. Elle hurle et saute au-dessus de ma tête. Je me baisse pour éviter qu'elle me blesse. J'empoigne mon épée et m'attaque à son deuxième cœur. Son sang gicle. Elle s'écroule sur moi. J'ai le temps de m'écarter un peu, laissant la créature me recouvrir les jambes. Malheureusement, elle pèse une tonne que je ne peux pas me relever. Je suis bloquée !

Je regarde l'autre créature qui hurle et tourne la tête dans tous les sens. Puis, elle s'approche de nous. L'une de ses pattes touche l'animal inerte. Elle essaie de le relever. Elle n'a pas de nez mais le sonde. Elle hurle. Ces hurlements ressemblent à des pleurs. C'est à ce moment que je comprends qu'ils devaient être un couple, et qu'elle vient de perdre un être cher. Ces créatures ont-elles une âme, une conscience ? Je ne sais pas mais les larmes embuent mes yeux. J'ai tué un être vivant et j'en ai laissé un autre seul. Se retrouver seul, c'est aussi quelque chose de terrible.

L'alarme sonne soudain, et l'autre créature s'effondre. Le sol tremble, l'ascenseur de verre surgit avec une personne à l'intérieur. Un soldat, je crois, car il porte un uniforme gris. Il doit avoir 25 ans pas plus. Il est très musclé, ses cheveux sont au ras de son crâne. D'une main, il retire la bête de mon corps.

― Bien joué gamine, me dit-il.

Il m'aide à me relever malgré ma victoire, je n'ai pas envie de m'en réjouir. J'ai l'impression d'avoir détruit un lien entre deux êtres. Mes larmes ruissellent. Je m'agrippe au soldat. Mes jambes sont tiraillées par des fourmis et ne me supportent plus. Nous prenons ensemble l'ascenseur.

― C'est une belle victoire, me dit-il.

Je ne réponds rien.

― Sur Tétra, elles seront plus féroces et tu auras moins de chance d'en survivre.

La porte s'ouvre. Je suis la seule à sortir de l'ascenseur. Le soldat y reste. Il ira certainement à un autre niveau, car il a été envoyé pour me tirer de la masse qui pesait sur mon corps.

― Bonne chance, me dit-il avant que la porte ne se referme.

J'entre dans le scanner en boitant. La boudjelaihse me scanne.

― J'ai oublié de prendre l'épée, dis-je.

― Ce n'est pas grave. Tu as vaincu un monstre. Tu peux retourner dans la salle.

Je ressors de la pièce en boitillant, les fourmillements commencent à s'estomper et je passe mes mains sur mon visage pour essuyer mes larmes.

― J'ai... réussi à en tuer un en visant leur cœur... Ils en ont deux. Un au milieu de la poitrine et un... au milieu de leur ventre.

Mes larmes continuent de couler et ayant parlé d'une petite voix tremblante, je ne sais pas s'ils ont compris ce que j'ai dit. De plus, je ne pense pas que ce soit la seule raison de ma réussite. Ils ressentent notre peur et il faut arriver à faire abstraction de sa peur.

Quartz s'arrête à côté de moi.

― Ils ont deux cœurs ?

― Oui, répondis-je. Il faut toucher leur cœur.

Quartz me tape sur l'épaule.

― Bien joué et merci de nous donner la solution.

Il entre dans la pièce et je retourne à ma place près de Fiendril. Elle applaudit. Et quelques secondes après, ce sont les lowclass et les middle class qui le font.

Je ne sais pas pourquoi ils font ça, parce que j'ai vaincu un monstre ? En tout cas cela me met dans l'embarras et je sens mes joues rougir.

Fiendril me tape sur l'épaule.

― T'es la première à réussir. Ça mérite des applaudissements. Bravo.

― Tu n'es peut-être pas une poule mouillée, lance Magda, une fille des middle class.

Je souris, j'ai l'impression que la compétitivité qu'il y avait entre nous est finie. Après tout, nous sommes tous au même niveau maintenant. Middle class ou Lowclass, nous sommes des Fardeaux.