Simone's Deportation.

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.10 Juin 2016. 


Est-ce que tu te souviens de ce livre posé dans la bibliothèque ? Ce livre que l'on a tant observé durant notre enfance.
Le livre rouge à la bordure dorée ; le livre qui était plus petit que les autres, mais pourtant si épais. La côte de ce livre était travaillée avec finesse. Sur le haut de celle-ci, on pouvait entrevoir un portrait d'une jeune femme. Une «presque adulte» aux traits fins ; aux joues creuses ; et au nez si petit. Une fille aux yeux en forme de noisettes, en accord avec son visage à l'aspect si fragile.

Alors, te souviens-tu de ce livre ? Ce livre qui nous a tant étonné, mais qu'on n'a jamais osé toucher par peur de l'abîmer.
Et bien, je l'ai ouvert ce livre ; et j'ai enfin pu découvrir ce qui s'y cachait.
Je vais te le décrire ici, dans ce texte peut-être un peu trop long dans ses explications.

J'ai ouvert ce livre il y a une semaine. C'était Dimanche dernier, quand je rangeais la maison de notre défunte mère. Je suis tombée sur ce livre, et j'ai tout arrêté.
Sa côte m'attirait et m'intriguait toujours autant. Son rouge avait viré vers une couleur un peu plus foncée, et son doré était couvert d'une couche de poussière.
Entre romans et nouvelles, il était toujours posé, créant un grand creux aux alentours des grands livres qui l'entouraient.
Alors, ce livre qui nous a tant intrigué durant notre jeune âge, je l'ai ouvert.
Je l'ai d'abord sorti de la bibliothèque, le tenant fermement mais délicatement dans mes mains. Je suis allée m'asseoir sur le petit fauteuil en paille installé devant l'étagère encombrée de toutes sortes de lectures possible.
Puis, j'ai allumé la petite lampe posée à mes côtés, et j'ai tourné la première page.

La femme présente sur la côte était dessinée en deuxième de couverture.
Aucune introduction n'était mise en place ; le récit commençait directement.
Pour tout te dire, lire tout ça m'a fait mal au cœur ; c'est un livre dur à lire tu sais ? Je pense qu'on peut le qualifier de journal intime, et c'est ce qui le rend encore plus dur à apprécier.
Daté de 1988, mais non signé, je n'avais qu'une seule information : C'était l'écriture de maman.

« Aujourd'hui, j'ai commencé un nouveau livre. Qui dit nouveau livre, dit nouveau carnet pour y écrire tout ce que j'en pense. Ce livre se trouve être une biographie d'une ancienne ministre de la santé : Simone Veil ». L'introduction expliquait simplement, en quelques mots que Simone Veil avait survécu à la Shoah, et qu'elle avait su remonté la pente face à cette épreuve bien plus que dure. En remontant cette fameuse pente d'une façon incroyable, elle avait même réussi à devenir une brillante femme politique.

Le premier paragraphe de ce récit s'arrêtait ainsi, sur ces quelques mots. Comme si maman avait cherché à en faire une introduction. C'était son livre à elle, sa façon de voir, et donc son interprétation des choses, à commencer par Simone Veil, aujourd'hui bien connue pour ses prouesses, et pour sa détermination à faire accepté sa loi, favorisant l'interruption de grossesse.

« La première partie du livre n'était pas très intéressante » écrivait-elle dans un premier temps.
« Mais lorsque l'on sait quelle vie à eu cette femme, et quelles épreuves elle à du traverser, on se dit qu'on aurait mieux fait de ne pas lire cette présentation trop vite ; que profiter de tous ces mots les uns derrières les autres semblait plutôt être une bien meilleure idée que de s'attaquer à la suite. »

La première page s'arrêtait sur ceci, nous mettant presque en alerte, nous prévenant presque de ce qu'il allait se passer. Puis, la suite arrivait enfin : Le premier chapitre, expliqué par maman.
« Simone était la benjamine d'une famille de quatre enfants : Trois filles pour un garçon. Elle vivait à Nice dans un petit appartement, permettant à sa fratrie de rester dans un endroit sec, et à l'abri de tous dangers, malgré la crise qui touchait la France à cette époque. »

Je pouvais constater que le premier chapitre s'arrêtait là. Maman n'avait pas écrit jusqu'à la fin de la page ; elle avait reprit au derrière. Le chapitre deux commençait par « Un jour, alors qu'elle se baladait dans les rues de Nice, Simone s'est fait arrêtée par deux SS, avant d'être amenée au quartier général allemand. Séparée de son père et son frère, elle ne les a plus revus, ni l'un, ni l'autre. »

En lisant ça, j'ai pensé à toi ma petite sœur ; à tous ces moments que l'on avait passé ensemble, et à tous ces sourires que nous avons partagés au temps de notre enfance. Imagine que quelqu'un ai pensé à nous séparer, nous deux.

Le chapitre numéro trois racontait le périple qui l'avait menée d'abord jusqu'au camp de Drancy, et finalement vers le camp d'extermination d'Auschwitz.
Le chemin pour y aller était très difficile. La température dépassait les moins vingt degrés, et les conditions de vie restaient toujours abominables.
Maman raconte, dans un chapitre suivant, que c'est un prisonnier français qui lui a sauvé la vie, lui conseillant de se faire passer pour une jeune fille de dix-huit ans, afin d'éviter l'extermination. De ce fait, elle serait contrainte aux travaux forcés, mais serait toujours en vie.
« Au camp, elle ne s'appelait plus Simone Jacob ; mais était désormais le numéro 78651. »

Le cinquième chapitre était atroce à lire. Maman y racontait les conditions de vie, ou plutôt devrais-je dire les conditions de mort. L'hygiène ne semblait pas être un mot faisant parti de leur vocabulaire, les maladies n'étaient pas soignées ; chaque détenu était laissé à sa merci, chacun devait se débrouiller pour rester en vie le plus longtemps possible.
« Madeleine, sa mère et Simone avez toutes les trois attrapé le typhus et Simone pouvait constater que, plus le temps passait, plus l'état des membres de sa famille s'aggravait. »
Si tu savais petite sœur, ô combien la douleur m'a prit à la suite de ce chapitre. C'est d'ailleurs pour cela que je te raconte ce livre ; parce que je ne veux pas que tu ais à le lire ; je ne veux pas que tu vois à quel point ce passage de vie était horrible. Et surtout, je ne veux pas que tu saches dans quelles souffrances sa mère est morte.

La chapitre numéro six se trouve être plus joyeux, mais reste tout de même dans l'ambiance plus que monotone et horrifiante. « Quand les alliés – anglais - sont venus libérer les déportés, Simone était à l'extérieur du camp ; et, selon elle, ce jour de libération a été gâché. Simone n'a pas pu rejoindre sa sœur Madeleine, pour partager ce moment avec elle.

Les lignes du livre défilaient si vite, qu'à ce moment, le temps me paraissait ne plus exister. J'étais obnubilée par cette lecture si intense, que plus rien n'existait autour de moi, si ce n'est l'envie d'aller plus loin.

Après cette libération tant attendue, Simone Jacob s'est lancée dans des études de droit, où elle a rencontré son mari, qu'elle a épousé en 1946. Malheureusement, le sort s 'est abattu une nouvelle fois sur cette famille. Madeleine, la sœur de Simone est morte avec son fils dans un accident de voiture, alors qu'elle venait tout juste de rendre une visite à sa sœur.

« Elle a tenu parce qu'elle était forte. »
« Elle avait seize ans. »

Ce sont les derniers mots affichés, si ce n'est « A ma sœur » inscrit au derrière de la dernière page.



En duo. 

Absence Tempérée - BribesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant