𝑳𝒆 𝒑𝒊𝒂𝒏𝒊𝒔𝒕𝒆. 𝑵𝒂𝒎𝒈𝒊

Première partition

Lentement le pianiste ouvre les yeux. Encore ce même rêve. Il repousse sa couette et prépare rapidement ses affaires ainsi que son uniforme encore perdu dans ses pensées. Toujours cette salle de concert où il joue oubliant absolument toutes ses peurs. Il se souvient qu'à la fin quelqu'un l'observe longuement en applaudissant mais jamais il n'arrive à mettre un visage sur cette personne. Sans un mot, il se prépare et finit par brosser ses beaux cheveux rose. Pendant un instant le jeune homme se regarde avant d'inspirer et d'expirer, les mains tremblantes. Il n'a pas le choix. Aujourd'hui c'est son examen de rattrapage et s'il ne le passe pas il sera exclu définitivement. Au fond de lui, YoonGi ne veut pas ça. Il veut rester dans cette école pour étudier la musique et devenir concertiste. Depuis sa plus tendre enfance il a cette envie. Il aimerait que son frère soit fier de lui. Finalement, il attrape son sac et sort de chez lui sans prendre la peine de déjeuner. Pour lui le froid est affreusement désagréable et l'étudiant s'active pour ne pas être en retard. Si seulement le pianiste n'avait pas peur du monde extérieur et des gens tout serait plus facile. Avec le temps YoonGi s'est habitué à être seul et c'est peut-être mieux comme ça.

Le bruit de la circulation ainsi que les discussions de passants n'atteignent pas Nam Joon. Depuis une semaine il pense constamment à cette douce mélodie jouée dans la pièce qui était si mélancolique. Honnêtement il n'avait pas entendu ça depuis un long moment. Chaque jour il se demande si le pianiste viendra au lycée. Il aimerait bien lui parler au moins une fois pour lui dire d'être plus présent en cours. S'il n'était pas si strict avec lui-même et les autres il lui adresserait quelques mots sympathiques accompagnés d'un sourire rassurant mais il se l'interdit. L'étudiant ne veut pas désobéir et continue de suivre l'éducation sévère de son entourage. Nam Joon a rejoint le lycée avec l'espoir de devenir un bon producteur et d'acquérir des bases solides en musique. Il cherche encore un but, un rêve qui le motivera réel. Il entre dans la salle des professeurs pour s'informer des nouvelles comme tous les matins puis il se dirige vers sa classe sortant ses affaires. Son regard se pose sur la chaise vide qui est normalement occupé par le petit pianiste. Nam Joon a l'espoir de le voir ouvrir la porte mais rapidement il doit quitter sa rêverie pour distribuer les convocations d'examens de rattrape. Il est l'un des seuls à ne rien repasser grâce à ses hauts résultats et il se considère chanceux. Enfin, la dernière feuille qui lui reste est à l'attention de Min YoonGi. Le délégué soupire et se doute bien qu'il ne pourra pas lui remettre.

Lentement le pianiste monte les escaliers. Il arrive avec deux heures de retard. Il s'est arrêté en chemin pour acheter quelque chose à manger ainsi qu'un chocolat chaud avant de faire de nombreux détours pour éviter la foule. Pour lui c'était impossible de prendre le métro ou de passer par les grandes avenues bondées de monde. Alors il a mis bien plus longtemps que prévu. Il rentre discrètement dans la salle de classe tandis que tout le monde est occupé à discuter ou dans les couloirs. L'étudiant s'assoit à sa place et reste focalisé sur ses pensées pour ne pas prêter attention au monde extérieur qui l'effraye tant. Soudain, quelque chose perturbe son équilibre. Une main sur son épaule. Il se retourne brusquement et croise le regard du délégué, le détaillant. Ses yeux brillants et éveillés lui donnent un charme incroyable tout comme la présence qu'il dégage. Il n'a pas l'air de vouloir de mal à YoonGi. Il lui tend sa convocation et lui adresse la parole sur un ton agréable.

« Je suis content de pouvoir te la donner. Bon courage. »

Et sans un mot de plus, il repart à ses occupations. Le pianiste sert le morceau de papier se concentrant uniquement dessus. Sa main dégageait une chaleur forte, c'était doux. Le petit cache son visage dans son écharpe et n'y pense plus. Il ferme les yeux et commence à somnoler pour oublier le monde qui l'entoure. C'est bien mieux comme ça. Il fait abstraction de tout, il ne sait plus où il est. L'étudiant se perd dans ses rêves où il se produit devant une salle de concert remplie. Tout va bien pour lui. Jamais il n'a connu l'hôpital dans son monde, ni les nombreux problèmes ainsi que l'abandon. Dans ses songes le petit peut se promener dans les grandes rues sans paniquer et discuter avec les autres sans bégayer. Malheureusement pour lui tout est différent dans la réalité et il ne supporte pas ça. YoonGi se déteste parfois. Il s'empêche de vivre et de réaliser ses rêves mais il ne réussi qu'à agir de cette manière depuis des années.

Une douce chaleur passe dans son dos. Il sort sa petite frimousse de son écharpe et regarde autour de lui avant de voir à nouveau le visage de Nam Joon. Pourquoi vient-il encore vers moi ? Jamais le délégué ne lui avait accordé de l'attention avant de l'entendre jouer il y a une semaine. Un frisson le parcourt et il donne un coup d'épaule au plus grand pour le repousser n'aimant pas le contact physique.

« Excuse-moi mais ton épreuve est dans à peine dix minutes. Je dois t'accompagner. »

Pourquoi tu dois venir ? Le pianiste fronce les sourcils et sans un mot rassemble ses affaires frottant ses yeux pour mieux se réveiller. Souvent, il agit encore tel un enfant. Enfermé comme un oiseau en cage il n'a pas pu grandir comme les autres. Il est surement en retard mais ça personne ne peut le déduire à cause de son absence totale de dialogue avec autrui. Le délégué reste derrière lui l'observant longuement. Il a l'impression d'assister une poupée sans émotion. C'est triste, il n'a jamais vu une expression sur le visage du petit, pas même un sourire. Ils arrivent devant la porte. A nouveau Nam Joon lui souhaite bon courage mais n'obtient pas de réponse.

YoonGi s'installe et pose ses doigts sur les touches avant de commencer à jouer les premières notes. Il prend progressivement confiance en lui et se laisse porter par la musique, oubliant tout autour de lui s'imaginant dans un autre monde. Cette fois le petit se voit dans une plaine de nuit sous un magnifique ciel étoilé avec quelques étoiles filantes qui passent. La brise légère caresse son visage et soulèvent ses cheveux. Il se sent libre et lui-même. Il peut être un enfant s'il veut personne ne va le juger. Ses phalanges continuent de se balader sur le piano et créer une mélodie puissante traduisant son envie de continuer et de réaliser ses rêves. C'est ce qu'il veut transmettre aujourd'hui et comme un oiseau il a l'impression que ses ailes se déploient et qu'il va pouvoir s'envoler loin de sa vie.

Le délégué est resté derrière la porte, écoutant silencieusement les notes jouées. Il a prétexté devoir venir alors qu'en réalité il avait envie d'écouter à nouveau le pianiste jouer. C'est la deuxième fois qu'il a l'occasion d'entendre ses prestations et à chaque fois ça lui donne l'envie folle de devenir producteur. Il veut aider l'étudiant, c'est certain. Il ne serait pas spécialement expliquer pourquoi pour l'instant mais il veut s'engager. Il a un talent et doit le mettre en avant.  Nam Joon ne sait absolument rien de l'autre et c'est uniquement depuis qu'il l'a vu jouer qu'il veut apporter quelque chose dans la vie de YoonGi. Le reste lui importe peu. Le délégué veut passer au travers de tout et construire son projet autour de ce mystérieux enfant. Ses pensées s'emportent comme la musique et à la fin il est déterminé. Le jeune homme veut réussir quelque chose de concret dans sa vie. S'il veut devenir producteur, il doit déjà commencer à aider les autres et surtout cet être qu'il devine fragile.

Tout se stoppe enfin et la porte s'ouvre. Min YoonGi ignore le délégué, commence à avancer en direction de la sortie pour rentrer chez lui et être enfin au calme. Pour la troisième fois de la journée sa peau ressent une douce chaleur. Quelqu'un vient de lui attraper le poignet. C'est la première fois que Nam Joon prend une décision pareille sur un coup de tête, sans vraiment penser aux conséquences mais la musique que créer le pianiste et sa personnalité le force à le retenir. Calmement, il prend la parole.

« YoonGi, voyons-nous dans un café. Je veux te parler. »