Alyssa resserra son châle autour de ses épaules, grelottant de froid. L'hiver était dangereux cette année, plus qu'il ne l'avait jamais été. Une fois assurée que les animaux étaient bien parqués pour la nuit, la jeune femme entreprit de rentrer tant bien que mal dans sa petite demeure de bois.
Dans la nuit noire de l'hiver transylvain, il était facile de se perdre, même si l'on connaissait les environs comme sa poche. Et Alyssa, croyant être sur le petit chemin de terre qui la ramènerait dans son village, s'enfonça un peu plus dans la forêt.
-Par tous les saints, est-ce vraiment si loin ? Marmonna-t-elle en avançant péniblement dans la neige.
Soudain, un craquement sonore se fit entendre. Si violent que la jeune femme en sursauta, et se mit à chercher frénétiquement autour d'elle. Il n'y avait aucun bruit, seulement cet unique craquement qui l'avait terrifiée. Riant d'elle-même, Alyssa reprit sa marche en espérant retrouver bientôt la douce chaleur de son foyer. Mais elle comprit alors rapidement d'où provenait ce curieux craquement.
Le sol se déroba sous ses pieds et elle se retrouva dans l'eau glacée du lac. Aussitôt, la panique s'empara d'Alyssa qui se débattit comme un beau diable pour tenter de remonter à la surface mais rien n'y fit, l'air la fuyait inexorablement. Comprenant qu'elle allait mourir, la jeune femme ferma les yeux et se laissa aller, songeant qu'elle reverrait enfin la douceur de l'amour de sa mère et de son père. Sa vie si pénible allait enfin s'achever. Mais le sort en décida autrement. Alors qu'elle sombrait dans l'inconscience, Alyssa eut un flash, un éclair. Un visage. Puis une main solide qui l'empoignait. Puis plus rien.
-Est-ce que vous m'entendez ? Appela une voix lointaine.
Alyssa revint peu à peu au monde qui l'entourait. Les lumières dansaient devant ses yeux, tout comme les sons qui se promenaient autour de ses oreilles en se mélangeant les uns aux autres, sans en laisser un s'exprimer plus clairement. La jeune femme bougea doucement la tête et essaya de comprendre ce qui se passait et où elle se trouvait, mais une main se posa sur sa joue et l'immobilisa. La main était glacée, plus encore que l'eau du lac.
-Non, ne bougez pas, vous pourriez vous faire mal. Serrez simplement ma main si vous m'entendez et me comprenez clairement.
Instantanément, une main se posa dans celle d'Alyssa qui serra de toutes ses forces, paniquée. Elle ne connaissait pas cette voix, elle ignorait qui prenait ainsi soin d'elle.
-Voilà qui est rassurant. Restez immobile encore quelques instants, jusqu'à ce que votre vision se stabilise.
Comment cet étranger savait-il qu'elle ne parvenait pas encore à voir correctement ? Mais cette fois, Alyssa comprit qu'il ne lui ferait pas de mal, sinon cela serait déjà fait. Elle n'avait qu'à lui obéir.
Il fallut encore presque deux heures pour qu'Alyssa parvienne à reconnaître un plafond poussiéreux au-dessus d'elle, ainsi qu'un gigantesque lustre en cristal ornée de bougies blanches et or. Elle n'était pas dans un endroit connu, bien au contraire. C'était beaucoup plus haut et riche que sa petite maison de bois au village qui n'avait pour tout éclairage que deux malheureuses bougies de cire de moindre qualité, mais qui au moins ne coûtait pas trop cher.
Un inconnu apparut dans son champ de vision. Le plus étrange au premier regard était son sourire, il était étincelant, presque autant que la douce lumière qui s'élevait du lustre. Des doigts glacés palpèrent doucement son visage et l'aidèrent à se redresser. Alyssa ne parvenait pas à détacher son regard de celui qu'elle savait être son sauveur. C'était lui, le visage qu'elle avait vu dans l'eau alors qu'elle était persuadée de mourir.
-Comment vous sentez-vous ?
- Je crois que...je...je suis vivante.
L'homme éclata de rire et se posta face à elle, son sourire toujours bien présent.
-Oui, vous êtes vivante. D'ailleurs, qu'est-ce qui vous a pris d'aller vous promener sur le lac en pleine nuit ? La glace n'est pas encore assez épaisse pour que vous puissiez vous amuser dessus.
- Je croyais que je rentrais chez moi...j'ignore comment je suis arrivée sur le lac.
- Bon, ce n'est pas le plus important. Avez-vous faim ?
Alyssa hocha la tête et l'inconnu adressa un signe de la main à une personne qu'elle entendit partir mais qu'elle ne voyait pas. Mais une question qui surpassait toutes les autres, qui était-il ? Il sembla lire dans ses pensées car il s'assit sur un fauteuil non loin du lit où était Alyssa et se tourna vers elle avec la visible intention de faire un peu de conversation.
-Comment vous appelez-vous ? Dit-il d'une voix qui se voulait joviale.
- Je me nomme Alyssa, je vis au village de Bran.
- Je vois. Vous étiez effectivement bien loin de chez vous, Alyssa.
Curieusement, la jeune femme trouva que son prénom sonnait bien dans la bouche de l'inconnu. Elle eut un léger sourire, gênée par la bonne humeur de son hôte.
- Merci, murmura-t-elle au bout d'un moment, le rouge lui montant aux joues.
- Inutile de me remercier, je ne pouvais décemment pas vous laisser vous noyer. Que vous soyez en vie est le plus beau remerciement que je puisse espérer.
Alyssa s'apprêtait à poser une question quand l'on frappa deux coups légers à la porte. Le maître des lieux alla lui-même ouvrir la porte et une domestique entra, un plateau rempli dans les mains. Elle le déposa sur une table basse installée près de l'énorme cheminée où ronflait un feu bienfaiteur.
-Merci, Andréa, fit l'inconnu avant de la congédier poliment, venez vous servir, Alyssa. Pouvez-vous marcher ?
La jeune femme se laissa glisser le long du lit et fit un pas prudent vers le petit salon. Le sol se déroba sous ses pieds et Alyssa s'effondra sur le sol, honteuse de sa propre faiblesse. Aussitôt, deux bras la soulevèrent et elle se retrouva portée jusqu'au fauteuil le plus près du feu. L'inconnu la déposa doucement et s'assit face à elle avant de lui tendre une tasse fumante de ce que les européens appelaient café. C'était un mets plus que rare, donc cher...
-Je ne saurais abuser de votre hospitalité plus longtemps, il faut que je rentres chez moi, lança soudain Alyssa, mise mal à l'aise par tout ce luxe qu'elle ne connaissait pas.
- Ne vous en faites pas, il fait nuit donc je préfère que vous attendiez le matin pour partir, si vous y tenez tant. Vous êtes au Château de Ban, votre village est sous les murailles, rassurez-vous, je ne vous ait pas emmenée bien loin.
- Vous êtes sérieux ?
L'inconnu éclata de rire et s'installa plus profondément dans son fauteuil. Voilà bien longtemps que quelqu'un ne lui avait parlé aussi franchement.
-Mais si je suis au Château...vous êtes...vous êtes...
- Mon nom est Vladimir Kerian Dracula. Mais appelez-moi Kerian, c'est mon père qui s'appelait Vladimir.
Alyssa dévisagea son sauveur, une lueur d'effroi dans le regard. Elle connaissait la rumeur sur cette famille.
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Another Dracula
VampireEt si Dracula n'était pas le méchant de l'histoire ? Et si, au contraire, il n'avait été qu'un homme, certes un peu particulier, qui n'avait agit que par bonté d'âme ? Les légendes n'ont pas toujours le visage qu'on leur donne...