50. Vent glacé

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-Mon père, il faut que je saches la vérité ! Tempêtait Alyssa.

Depuis presque trois jours, elle tentait d'avoir une discussion avec le Père Henry. Vieil anglais exilé à la Nouvelle-Orléans pour ses pratiques et ses connaissances, il détenait un précieux savoir sur le monde surnaturel. Savoir dont l'archange avait cruellement besoin avant de défier son seul et unique amour. 

Mais le prêtre demeurait sourd aux suppliques de la jeune femme, prétextant que son savoir le suivrait dans sa tombe, qu'il ne pouvait répandre que le Mal. Bien des fois, Alyssa fut tentée de lui dévoiler son identité. D'avouer sa nature céleste, pour convaincre le père Henry qu'elle était digne de sa confiance et apte à utiliser son savoir à bon escient, mais la mise en garde de Gabriel des décennies plus tôt hantait son esprit. Il ne pourrait voir que s'il décidait de croire.

 -N'insistez pas, je ne peux rien pour vous.

Père Henry demeurait intransigeant. Il ne parlerait pas. 

Lasse, Alyssa poussa un soupir et abandonna. Elle trouverait les informations voulues tant bien que mal, quitte à repartir en voyage. 

Elle redescendit dans les rues encombrées de la ville et se fraya un chemin jusqu'au port. Quatre semaines s'étaient écoulées depuis la visite de Gabriel, et les choses s'étaient ralenties pour la jeune femme. Elle ne parvenait pas à trouver comment s'assurer que Kerian était bien le vampire originel. Persuadée qu'il lui faudrait tuer la créature de la grotte plutôt que son ancien amour, la jeune femme enquêtait prudemment. Mais le sujet restait difficile, tant les personnes détenant la connaissance appréhendaient de parler. 

Au port, elle trouva le navire qui lui apportait la visite espérée. 

-Madame, c'est un plaisir de vous revoir. 

La voix grave arracha un sourire à Alyssa. Renfield était fidèle à lui-même, droit, digne, calme. Au courant des événements, il avait fait le choix de demeurer à Londres pour veiller aux intérêts de son maître, persuadé que les choses reviendraient à la normale tôt ou tard. Cependant, il ne se doutait pas de ce que lui réservait cette visite à la Nouvelle Orléans. 

-Renfield, vous me semblez vous porter parfaitement bien, sourit la jeune femme.

- En effet, l'air londonien finit par devenir agréable quand on s'y habitue.

- Je vous crois. Suivez-moi, allons à ma demeure.

Les deux amis se dirigèrent vers la calèche qui attendait un peu plus loin. Alyssa détestait faire appel à ce genre de véhicule, voler était bien plus simple, mais il était évident que Renfield apprécierait de ne pas avoir à voler ou à marcher jusqu'à la propriété. 

Sur le chemin, l'ancien homme de main apprécia le paysage simple et coloré, ce dont il fit part à l'archange. 

-Je peux vous demander ce qui vous as amenée dans cet endroit ? Je dois reconnaître que c'est magnifique, mais surprenant venant de vous. 

- Ces quatre-vingt-dix dernières années, j'étais à la chasse aux vampires, j'ai voyagé dans le monde entier pour finalement décider de m'établir ici pour un temps. Je repartirais bientôt, naturellement.

La nouvelle fit un choc à Renfield. Il dévisagea la jeune femme, essayant de trouver une trace de plaisanterie, qui ne vint pas. 

Il avait été mis au courant des circonstances de l'absence de son maître, et demeurait persuadé qu'un retour à la normale était possible, quand Madame se serait calmée. Ce qui visiblement n'était pas prêt d'arriver. 

Another DraculaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant