-Je dois vraiment rester comme ça ? Râlais Alyssa, debout devant l'énorme miroir, essayant de faire abstraction du sourire amusé d'Andrea.
- Oui, si vous voulez que je fasse un travail correct.
Comprenant que de toute façon, elle n'avait pas le choix, Alyssa finit par se résigner et se tint bien droite tandis que la domestique achevait de glisser des épingles un peu partout dans l'immense robe.
Kerian avait lourdement insisté sur le fait qu'elle ne pouvait l'accompagner avec des robes de moindre qualité, ce qui avait vexé Alyssa avant qu'elle ne se rendre à l'évidence. Elle ne vivait plus dans son monde désormais, mais dans celui d'un homme qu'elle découvrait un peu plus chaque jour.
Sentant que la jeune femme n'était pas dans son assiette, entourée d'attentions diverses, Kerian décida de venir voir par lui-même où en était les essayages.
-Tu es absolument ravissante, dit-il à Alyssa quand il la vit.
- J'ai l'air d'une potiche oui.
Le fort caractère d'Alyssa l'amusait, mais le seigneur ne cédait pas. Il avait vite compris que pour la garder auprès de lui, il fallait lui tenir tête. C'était une femme pleine de ressources mais qui avait besoin de se défouler, et il était l'homme parfait pour cela. Quand on est déjà mort, plus rien ne peut vraiment vous faire de mal.
Décidant de braver ses propres règles pour une fois, Kerian s'avança et passa ses bras autour de la taille de la jeune femme.
-Cesse donc de râler et laisse-toi faire, je vois déjà le résultat et il sera superbe. Fais-moi confiance.
- Est-ce que ça justifie vraiment que je reste debout devant un miroir pendant des heures ?
- Oui, absolument.
Alyssa poussa un soupir sonore et se tint tranquille jusqu'à ce qu'Andréa décrète qu'elle avait enfin fini son travail. La sauvage brune sauta alors sur le sol, impatiente d'aller se dégourdir les jambes. Elle partit en quête de Kerian pour l'emmener faire une promenade dans la neige. Leur départ pour l'une des nombreuses autres demeures de la famille Dracula n'étant pas avant deux semaines, elle souhaitait profiter au maximum du temps qui lui restait dans son village, ou du moins ce qu'il en restait. Et aujourd'hui, elle souhaitait aller enfin voir les tombes que les gardes avaient creusées.
-Tu es sûre de vouloir aller voir ça ? Demanda Kerian quand elle vint lui parler de son idée.
- Ils ont été ma famille, je leur dois bien ça. Et si je n'y vais pas, qui ira fleurir leurs tombes au moins une fois ? Personne. Et c'est la seule chose que je puisse faire, à défaut de connaître le coupable.
Le cœur du seigneur se serra. Si un jour elle apprenait qui était réellement coupable des atrocités commises dans le village, c'en était finit de lui. Il avait retrouvé une joie de vivre trop longtemps disparue depuis qu'Alyssa était dans sa vie, et il était décidé à la maintenir à ses côtés. Pour l'éternité, si Dieu l'y autorisait.
Cédant devant la ferveur d'Alyssa, Kerian se leva et l'accompagna, tous deux emmitouflés dans d'épais manteaux de fourrure.
Alyssa marcha silencieusement jusqu'à la petite clairière qui avait été transformée en cimetière, et laissa couler quelques larmes au fur et à mesure que les noms défilaient devant ses yeux.
-Comment peut-on faire une chose pareille...murmura-t-elle en s'agenouillant devant la tombe de Marie, une de ses voisines qu'elle adorait.
« Il suffit de ne pas être humain » songea Kerian sans pour autant répondre à la jeune femme. Il posa une main réconfortante sur son épaule et attendit patiemment qu'elle sèche ses larmes et passe aux tombes suivantes, déposant une fleur sur chacune d'elles.
-Crois-tu que je reverrais ces tombes un jour ? Demanda soudain Alyssa.
- Je l'ignore. Mais je t'y ramènerai chaque fois que tu le demanderas, je t'en fais la promesse.
- Kerian...tu n'es pas obligé de faire ça. Je sais que ce château et ta famille possédez le village depuis des siècles. J'imagine que ça doit être aussi dur pour toi que pour moi de perdre un bien familial.
- Ces gens, tout comme toi, étaient certes mes sujets, mais avant tout les habitants de Bran.
Alyssa ne comprit pas trop ce que signifiait cette réponse par trop vague mais ne dit rien. Elle nota cependant qu'il ne faisait aucune allusion aux coupables de cet horrible crime, ce qui était étrange étant donné la ferveur avec laquelle il avait supervisé le travail des gardes qui préparaient les tombes. Elle décida alors de le tester.
-As-tu envoyé des gardes aux trousses du ou des coupables ?
- Oui, un petit groupe. Mais je doute qu'ils ne trouvent quelque chose, la neige aura effacé leurs traces.
- Qu'est-ce que tu me caches ?
Aussitôt, le seigneur eut un coup au cœur. Elle lisait en lui comme dans un livre, elle savait qu'il lui cachait quelque chose, sans parvenir à trouver réellement quoi. Kerian réfléchit à toute vitesse, cherchant quoi répondre en essayant de paraître convaincant.
-Je ne te cache rien, je suis simplement un peu perturbé par tout cela. Je ne les connaissais pas, mais ils comptaient pour moi.
- Si tu le dis.
Sans plus chercher à le provoquer, Alyssa déposa la dernière fleur et regagna l'entrée du cimetière, quelques larmes coulants sur les joues. Kerian les fit disparaitre d'un doux baiser et prit le visage de la jeune femme dans ses mains glacées.
-A présent, nous pouvons partir, murmura Alyssa à sa question muette, je suis prête à aller découvrir la Transylvanie.
- Alors partons. Et je jure de te ramener ici dès que tu le demanderas.
Deux semaines plus tard, le Comte Vladimir Kerian Dracula, accompagné d'une jeune inconnue qui attisa bien des curiosités, arriva au Château de Hunedoara.
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Another Dracula
VampireEt si Dracula n'était pas le méchant de l'histoire ? Et si, au contraire, il n'avait été qu'un homme, certes un peu particulier, qui n'avait agit que par bonté d'âme ? Les légendes n'ont pas toujours le visage qu'on leur donne...