06. Fantômes du passé

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Elle courait jusqu'à l'entrée mais sembla se perdre dans les interminables couloirs du château. Kerian écoutait sa course effrénée, hésitant sur la conduite à tenir. Elle serait effondrée quand elle découvrirait l'état du village, il pouvait donc très bien lui bloquer le passage et la garder à l'intérieur, en sécurité. Mais son instinct lui hurlait qu'elle n'était pas le genre de femme à se laisser intimider aussi facilement. Résigné, il partit à la recherche d'Alyssa pour l'accompagner jusqu'au village.

-Alyssa, calmez-vous, lui dit-il quand il la rejoignit, je vais vous y accompagner. Prenez au moins le temps de vous couvrir, il neige.

Mais la jeune femme ne l'écoutait pas. Elle n'attendait qu'une seule chose, qu'il ouvre cette fichue porte et la libère de sa prison dorée. Kerian s'exécuta et la suivit en direction du village. Tout était silencieux, seul le bruit des oiseaux et parfois de la neige qui glissait d'un arbre se faisait entendre. Alyssa ne desserra pas les dents, décidée à rejoindre ceux qui avaient été sa famille depuis la mort de ses parents.

Avant même d'entrer dans le village, elle sut qu'il n'y avait aucun survivant. Une odeur pestilentielle flottait dans l'air, le rendant lourd et difficilement respirable.

-Seigneur...murmura Alyssa, une main devant la bouche, quand elle vit les premiers cadavres étendus dans la rue.

Il lui sembla qu'ils avaient tous été tués d'un même mouvement, ce qui était effroyable, car ils gisaient les uns sur les autres, des torches froides et divers outils comme des fourches dans les mains. Ils s'étaient tous ligués pour faire face à leurs agresseurs, mais n'avaient rien pu faire.

Alyssa se laissa tomber à genoux sur le sol en poussant une plainte déchirante. Leurs corps étaient encore trop bien conservés par le froid et la neige, ce qui rendait la scène encore plus terrifiante.

-Je suis désolé, dit Kerian en l'entourant de ses bras bienfaiteurs.

-Ce...ce n'est pas de votre faute, articula difficilement Alyssa, les yeux embués de larmes.

Le cœur de Kerian se serra. Si, c'était de sa faute. Chaque jour, il maudissait ce qu'il était, ce qui le faisait vivre, mais il n'y pouvait rien. Alyssa était le seul baume qui lui avait rendu une certaine joie de vivre, et il la perdrait si elle apprenait la vérité. Il s'agenouilla dans la neige, serrant le corps grelottant de la jeune femme contre lui.

-Il leur faut une tombe. C'étaient de braves gens, ils le méritent.

Sur ces paroles, Alyssa se releva et sembla partir en quête d'une pioche pour mettre son plan à exécution. Le seigneur la rattrapa et l'arrêta doucement.

-Vous ne pouvez pas tous les enterrer. Je demanderai à mes gardes de venir le faire dès que nous serons rentrés, et je vous assure qu'ils auront une tombe digne de ce nom. Nous viendrons y déposer des fleurs, si vous le souhaitez.

- Il faut que je le fasse, je suis la seule personne vivante qui les connaissait réellement, s'offusqua Alyssa.

- Et ils sont des centaines. Soyez raisonnable.

Il posa une main sur la chevelure de la jeune femme, chassant quelques flocons qui commençaient à s'y accrocher. Son regard exprimait un réel désir de satisfaire Alyssa, ce qu'elle comprit vite et finit par accepter. Ils rentrèrent au château, Kerian portant Alyssa qui semblait ne plus avoir la force de se déplacer après ce qu'elle venait de vivre, et aussi parce qu'elle était frigorifiée.

Kerian l'emmena dans un petit salon agréable où régnait une douce chaleur. Il l'assit sur un fauteuil impérial et demanda deux couvertures aux domestiques qui s'empressèrent de lui obéir.

-Que va-t-il advenir de moi, maintenant ? Demanda soudain Alyssa, le regard perdu dans le vide.

- Que voulez-vous dire ?

- C'était chez moi, au village. Ma maison, mes animaux, mes voisins...je n'ai plus rien. Et je ne peux pas aller dans un autre village.

- Vous n'êtes pas obligée de partir, dit Kerian en s'asseyant sur un fauteuil voisin.

La jeune femme le dévisagea, surprise. Elle qui ne voyait que de la souffrance autour d'elle depuis quelques heures, elle en avait oublié les événements de la veille, et ce qu'ils impliquaient.

-Vous êtes sûr ? Finit-elle par demander à son hôte, car même vous aurez des problèmes à présent, pour vous nourrir, ravitailler les greniers...

- Ce n'est pas un souci, j'ai d'autres demeures où me rendre. Vous pourriez venir avec moi, j'aimerai beaucoup vous montrer la Transylvanie. Vous n'en connaissez qu'une petite partie.

- Je ne sais si...

- Si quoi ? S'impatienta Kerian, vous l'avez dit vous-même, il n'y a plus rien pour vous ici. Et moi, j'apprécie votre compagnie. Et après ce qu'il s'est passé hier, et ce matin, je pense que c'est une bonne chose, que nous partions ensemble.

- Vous avez sûrement raison.

Sans plus s'expliquer, elle se mura dans le silence le plus complet. Partir avec un inconnu qu'elle commençait à aimer ou rester avec les fantômes de son passé ?

Another DraculaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant