11. Humanité

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Les mois s'écoulèrent, et les deux compagnons savouraient ce renouveau. Kerian se sentit soulagé de s'être débarrassé de son plus lourd secret, même s'il savait que jamais il ne pourrait avouer à Alyssa ce qu'il s'était réellement passé dans le village de Bran. Le seigneur ne résista pas à l'envie de montrer sa vie à sa compagne et l'emmena de château en château à travers toute la Transylvanie, lui montrant les zones les plus reculées des Carpates. Jusqu'au jour où il fut confronté pour la première fois à la nature humaine de la jeune femme.

Ils étaient arrivés au sein d'une petite auberge quelques heures auparavant, ne pouvant continuer leur route à cause de la tempête de neige qui faisait rage au-dehors. Alyssa avait insisté pour qu'ils se mêlent au peuple, ce à quoi Kerian avait farouchement protesté avant de s'avouer vaincu. L'on peut être la pire créature vivant sur Terre, mais on ne tient pas tête à une femme.

-Tu veux que je demande des couvertures supplémentaires ? Dit Kerian en voyant sa compagne grelotter malgré les quatre couvertures dans lesquelles elle était enroulée.

- Non, non, ça ira. C'est juste pour une nuit.

- Une nuit où tu vas finir congelée.

Elle eut un léger rire avant de se redresser et de s'appuyer sur le mur de leur petite chambre. Kerian était tenté de s'approcher et de la serrer dans ses bras, mais son corps déjà glacé n'arrangerait rien.

-Je voulais te demander quelque chose, dit-elle soudain.

- Je t'en prie.

- Est-ce qu'on pourra aller en Europe un jour ? J'ai toujours rêvé d'y aller, les marchands qui venaient au village nous en parlait avec tellement de bonheur...

- On peut même y aller dès que la tempête sera passée si tu le souhaites.

- Kerian.

- Quoi ? S'étonna le seigneur en attisant le feu.

- Arrête de me laisser décider de tout. Je ne suis pas seule dans ce voyage.

- Alyssa, ce sont des contrées que je connais par cœur. J'y voyage depuis...depuis très longtemps. Alors autant qu'on aille là où toi, tu veux aller. C'est toi qui a encore des choses à découvrir.

- Tu connais l'Europe ? S'émerveilla Alyssa, oubliant le froid soudainement.

- Très bien même. Je possède une demeure à Londres depuis peu.

- C'était donc ça, le notaire qui est venu ?

- Oui, c'était ça.

Alyssa eut un pincement au cœur en songeant à ce jeune notaire venu leur rendre visite à Hunedoara. Sa compagnie avait été des plus charmantes pour la jeune femme qu'elle était, mais ce dernier avait péri sur le chemin du retour vers Londres. Leur amitié avait été des plus agréables, pour le temps qu'elle avait duré.

Heureuse à l'idée d'enfin aller voir ces pays européens encore inconnus d'elle, Alyssa se leva et vint se blottir près du feu, appuyée contre les jambes de Kerian. Puis tout alla très vite. La jeune femme voulut remettre une bûche dans le feu mais s'ouvrit le bras contre une petite hache mal rangée. Tout en pestant, Alyssa se leva pour aller nettoyer la plaie, quand elle vit le regard de Kerian. Un regard affamé, fixé sur le sang qui s'écoulait de la plaie. Consciente de ce qui se passait, Alyssa recouvrit son bras d'une des couvertures qui avaient glissé à terre et s'éloigna prudemment de son compagnon.

-Kerian, tu devrais rester là. Je vais demander à l'aubergiste si elle a de quoi bander tout ça et je reviens.

- Oui, fais donc ça.

Sa voix était doucereuse, terrifiante. Ce n'était plus l'homme qui parlait, mais la bête. Il se leva et s'approcha de sa compagne, uniquement contrôlé par ses instincts et non plus par son cœur. Alyssa voulut rejoindre la porte et filer pour lui laisser le temps de se calmer, mais le vampire se plaça devant elle avec une rapidité effrayante.

La jeune femme serra son bras contre sa poitrine, le regard fixé sur le visage de son compagnon. Son regard était complètement noir, rappelant celui des loups, et deux petites canines apparaissaient sur la lèvre inférieure de Kerian.

Comprenant aussitôt le danger, Alyssa courut jusqu'à l'autre bout de la pièce, le cœur battant à tout rompre, et attrapa le tisonnier qu'elle brandit vers le vampire. Ce dernier eut un léger rictus et s'approcha doucement, pas à pas, comme le fait un puma avant de bondir sur sa proie. Il sauta sur la jeune femme sans crier gare et lui attrapa le cou.

-Kerian...c'est...c'est moi...Alyssa...articula difficilement la jeune femme tandis qu'il promenait son nez dans son cou.

La voix plaintive et le parfum si caractéristique de sa compagne rappela la part humaine du vampire. Il se figea soudain, et se redressa, la main toujours serrée sur le cou d'Alyssa.

-Pars. Vite ! Lança-t-il en luttant de tout son être pour ne pas la mordre sur le champ.

Alyssa ne le fit pasrépéter et fila en direction de l'étage inférieur pour s'y faire soigner, ets'éloigner en même temps de son monstre de compagnon. Il avait voulu la tuer,voilà ce qu'elle se répétait sans cesse. Il avait failli la tuer.     

Another DraculaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant