Alyssa leva les yeux vers le Château de Bran, stupéfaite. Il lui semblait ne l'avoir jamais vu tant il était devenu méconnaissable. Ses tours autrefois si belles, si majestueuses, étaient à présent assombries par la végétation et l'abandon. Les grandes portes de bois étaient abimées, perforées par endroits. Kerian ne pipa mot mais sa colère était palpable.
-Je ne pense pas que ton frère soit ici, murmura Alyssa en serrant la main de son compagnon.
- Il l'est, tu peux me croire. Et il sait que nous arrivons depuis bien longtemps. L'héritage familial n'a jamais eu d'importance à ses yeux.
- Je suis tellement désolée...
Mais le vampire n'entendait que son propre désir de vengeance.
Ils décidèrent de continuer à pied quand le village de Bran fut en vue. C'était la partie que Kerian appréhendait le plus, qu'est-ce que son angélique compagne allait-elle remarquer ? La vérité lui apparaîtrait-elle comme une vision ?
Plus ils approchaient du but, plus la tension était à son comble. Alyssa eut le sentiment que le temps s'était figé autour d'eux, que plus rien n'existait en-dehors de la main que Kerian avait serrée autour de son bras.
La jeune femme se figea quand ils arrivèrent au cœur du village. Sa petite maison était toujours debout, bien que presque réduite à l'état de ruines, ainsi que le reste des habitations. Mais il n'y avait pas âme qui vive. Un silence de mort régnait. De temps à autre, un oiseau s'envolait d'une branche, et le bruissement de cette dernière était pareil au rugissement d'un lion.
-Te rappelles-tu où sont les tombes ? Murmura Alyssa, choquée.
Kerian hocha la tête et prit la direction de la clairière. Cette dernière était gravée au fer rouge dans sa mémoire tant il regrettait ce qui s'était produit cette malheureuse nuit où il avait cédé aux appels de son cœur immortel pour Alyssa.
Arrivés devant les tombes, l'ange sembla transporté. Elle marcha quelques pas puis s'agenouilla et posa une main au sol. La neige se mit à fondre lentement, laissant apparaître une terre pauvre et désolée, aussi dure que la pierre à cause du froid. Alyssa ferma les yeux et se concentra. Kerian assista au miracle, sous le choc. La terre se mit à légèrement trembler, et de petites pousses vertes apparurent peu à peu, jusqu'à ce qu'une herbe épaisse et moelleuse recouvre le cimetière. De petites fleurs apparurent les unes après les autres, et recouvrirent les amas de terres formés par les tombes.
Satisfaite, Alyssa se redressa, les yeux mouillés par l'émotion.
-J'ignorais que tu savais faire de telles choses, murmura Kerian.
- Je l'ignorais également. C'est comme...je ne sais pas...comme si je sentais quelque chose grandir en moi, et demander à sortir. Cela me contrôle, et je ne peux que laisser faire.
- Remarquable, en effet, fit une voix éloignée.
Les deux amants se tournèrent dans un même mouvement vers l'orée de forêt qui bordait la clairière. Pareil au souvenir d'Alyssa, Thomas Grayson se tenait là, nonchalamment appuyé contre un tronc, un sourire narquois sur les lèvres.
-Tout comme il est remarquable que vous soyez encore en vie, ma chère Alyssa.
Kerian se rapprocha de sa compagne, retenant à grand peine ses grondements. Il sentait une réelle curiosité émanant de son vampire de frère, tout comme il sentait la folie meurtrière qui l'habitait.
-La mort n'est pas toujours une fatalité, lança la jeune femme, étonnamment calme.
- Je le constate. Cela dit, venir jusqu'ici pour mourir à nouveau, voilà qui n'est pas la preuve d'une grande sagesse.
- Je vous retourne le compliment.
Kerian n'en attendit pas plus. Il gronda une fois de plus et se jeta sur son frère, impatient d'en découdre. Grayson s'était préparé à l'attaque soudaine de Kerian et se pencha en avant, ses canines allongées achevant de lui donner un air effrayant. Ils se heurtèrent dans un bruit semblable à deux rochers se fracassant l'un contre l'autre, dans un concert de grognements rauques évoquant deux ours en plein combat.
Alyssa comprit aussitôt l'erreur de Kerian. Grayson savait qu'ils venaient. Il savait qu'ils étaient dans cette clairière. Il savait que son frère allait l'attaquer pour venger la mort de sa compagne. C'était trop bien calculé. Prise de panique, la jeune femme ferma les yeux et, dans un battement d'ailes éclatantes, déclencha une violente bourrasque qui sépara les deux combattants.
Grayson resta à terre, stupéfait devant le spectacle qui s'offrait à lui. La belle Alyssa n'avait plus rien d'humain en cet instant. Elle semblait mue uniquement par un pouvoir qui les dépassait. Son regard s'était transformé également. Ses prunelles étaient couleur d'or, et étincelaient autant que ses ailes. Ses mains, légèrement écartées, semblait irradier légèrement. Le vampire remarqua alors qu'elle ne touchait plus terre. Si ses ailes étaient dressées, elles étaient immobiles. L'ange semblait flotter à quelques centimètres du sol, incarnation même du pouvoir divin.
-Comment est-ce possible...murmura Grayson, fasciné par cette extraordinaire vision.
- Tu as voulu tuer une innocente. En voilà le résultat, gronda Kerian, qui avait repris ses esprits.
L'évidence s'afficha alors dans le cœur d'Alyssa. Seule la mort de Grayson libérerait Kerian. Il n'y avait qu'à cette seule condition qu'ils pourraient vivre heureux, l'ange et le vampire.
Sans un mot, elle fondit subitement sur Thomas Grayson, la main tendue pour lui arracher le cœur et détruire la créature monstrueuse qu'il était.
Alors qu'elle s'apprêtait à mettre à mort le vampire, une chose noire sortie de nulle part la heurta de plein fouet et l'envoya au sol avec une force irréelle. Kerian poussa un rugissement de rage et se précipita vers la jeune femme, qui se redressa péniblement, secouée. Elle n'avait eu aucun contrôle sur ce qui venait de se passer.
Le couple se tourna vers l'autre bout de la clairière, où Grayson reprenait difficilement sa respiration, protégé par une créature noire, aux ailes immenses et abîmées. La chose rétrécit peu à peu, jusqu'à devenir humaine. Étrangement humaine.
-Van Helsing...murmura Kerian, consterné.
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Another Dracula
VampireEt si Dracula n'était pas le méchant de l'histoire ? Et si, au contraire, il n'avait été qu'un homme, certes un peu particulier, qui n'avait agit que par bonté d'âme ? Les légendes n'ont pas toujours le visage qu'on leur donne...