Pdv Maïlys
Il était parti. Et Alysée avec lui. J'étais désespérée.
- Qu'est-ce qu'on va bien pouvoir faire ? gémit Herod.
On baissa la tête. Je vins vers le sorcier et posai une main que j'espérais réconfortante sur son épaule. Je savais à quel point il l'aimait. Elle nous manquait déjà.
On se comprit sans un regard. Nous étions les trois Élus, unis pour la vie. Alysée était plus qu'une amie, que ce soit pour lui ou pour moi. Elle était pour moi une sœur, un double, et dans son cas, celle qu'il aimait plus que tout.
- Ne t'en fais pas, murmurai-je. On va la sauver.
- Merci, sourit-il.
Mais une lueur de désespoir brillait encore au fond de ses yeux.
- Nous allons retourner au château, déclara Domitille, prenant les choses en main avec son habituel pragmatisme. Là-bas, nous trouverons bien un moyen de la sauver. Mais il faut faire vite. On se repose un peu et on y va. Vous avez une heure pour dormir.
Sur ce, elle se coucha dans l'herbe et ferma les yeux. Les autres l'imitèrent, mais je pris Herod à part.
Nous marchâmes un peu, puis nous nous arrêtâmes dans la forêt.
- Tu as senti ? murmura-t-il.
- Oui, répondis-je sur le même ton. J'ai eu une... comment dire ? Une impression.
- J'ai senti ses sentiments, chuchota Herod, les yeux dans le vide. Elle était triste, profondément.
- Oui, ajoutai-je. Et troublée, aussi.
Le sorcier hocha la tête.
- Je l'ai senti.
Il y eut un silence. Un vent léger effleura ma joue.
- Tu sais que je l'aime.
Il avait dit ça simplement, naturellement, et cela me déstabilisa.
- Bien sûr. Ça se voit comme un incendie dans la nuit.
Je regrettai aussitôt cette comparaison en repensant à deux incendies qui avaient bouleversé ma vie. Herod ne s'en aperçut pas et reprit :
- Ça me ronge. Qu'elle soit entre les mains de ce... Ça me dévore. Ça me tue.
Je hochai la tête, compatissante.
- Moi aussi. Pas à ce point, mais moi aussi je suis inquiète.
- Si seulement... Si seulement je pouvais avoir l'assurance qu'elle va bien !
Le silence nous enveloppa jusqu'à ce qu'un oiseau lance joyeusement quelques trilles dans l'air frais. Herod eut un pauvre sourire.
- Allons-y. Domitille nous appelle.
Nous retournâmes au campement, le cœur lourd.
****
Pdv Alysée
J'étais allongée sur mon lit en regardant pensivement le plafond. Je réfléchissais à Opale, Masque de Mort et Azur.
Le sabre me semblait étrange. Quand, après avoir été possédée par l'enchanteresse, j'avais... tué... Naos, son corps avait scintillé, s'était flouté et avait disparu. Que s'était-il passé ?
Masque de Mort me paraissait aussi avoir peur du sabre. Quels secrets cachaient donc sa lame ?
Pour voir je tentai de le faire apparaître. En vain. Il ne se passa strictement rien. Découragée, je me laissai retomber sur mon lit et mes larmes coulèrent d'elles-même.
Je regrettai d'avoir tué Naos. Je le regrettai profondément. Il n'avait pas fait de mal. Même s'il nous avait utilisés pour des raisons personnelles, à savoir s'éviter la mort, je le trouvait d'une douceur et d'une gentillesse étonnante pour un frère de Masque de Mort. Le destin l'avait rattrapé, il n'était pas mort de la main de son frère mais de la mienne.
Cela me rongeait. J'avais l'impression d'être devenue une meurtrière.
Je le comprenais à présent. Le vrai ennemi, c'était Opale. C'était elle qui nous avait tous manipulés pour se venger. Masque de Mort n'était qu'un pion dans son jeu, comme nous tous.
Masque de Mort, ou Halcyon, n'avait pas toujours été comme cela. Si possessif, si sombre. Avant Opale, il était différent. Je le sentais. Il y avait une part de lumière en lui. D'ailleurs, existait-il une personne entièrement mauvaise ? C'est sur cette question sans réponse que je m'endormis.
***
Pdv Herod
L'absence d'Alysée me rongeait. L'inquiétude de la perdre était un coup de couteau, un couteau chauffé à blanc qui se tournait et se retournait dans la plaie chaque fois que son visage apparaissait devant mes yeux.
Tout le monde étant inquiet, nous partîmes rapidement. Nous progressions sans un mot, seule Domitille dépliant sa carte de temps en temps pour nous indiquer la direction du château de Masque de Mort. Le silence était aussi lourd que l'air d'été avant un orage. Chacun ruminait dans son coin, ressassant ses pensées néfastes encore et toujours. Maïlys était pâle et avançait difficilement. Je m'approchai d'elle.
- Ça va ?
Mes mots, pourtant murmurés, tranchèrent le silence. Elle répondit d'un petit signe de tête.
- Je sens son abattement, répondit-elle à voix basse. Ça use mes forces.
- Moi aussi, répondis-je en hochant la tête.
Soudain, une idée se fraya le passage dans mon esprit embrouillé. L'étrange sentiment que quelque chose clochait.
- Je ne comprends pas, dis-je en haussant légèrement la voix.
- Quoi ? demanda Domitille en se retournant.
- Ce n'est pas logique. Masque de Mort sait que nous n'allons pas abandonner. Il connait l'emplacement du passage secret. Comment allons-nous rentrer ?
- Nous trouverons un moyen, m'assura l'elfe en se rapprochant de moi. Masque de Mort a raison, Herod : nous n'abandonnerons jamais.
***
Le temps passa. Un jour, un mois, je ne savais pas. Tout me semblait morne. Et en même temps, la douleur me poussait à avancer. Pour sauver Alysée.
Nous marchions à présent dans un désert de roche éternellement plat et lisse. Aucun mot, aucun bruit. Un silence lourd comme une montagne et coupant comme une lame acérée.
Soudain, Domitille se tourna vers nous.
- Nous y sommes presque, annonça-t-elle. Courage, mes amis, et ne nous faisons pas repérer.
Nous avançâmes. La première chose qui me frappa fut l'absence. Celle du brouillard magique qui entourait habituellement le château.
La deuxième absence était bien plus écrasante. Bien plus désespérante. Je m'en rendis compte lorsque nous nous approchâmes des douves où coulaient encore de la lave incandescente.
Cette absence, c'était celle du château.
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Le lien du sang
Fantasy« Trois Élus sauveront le monde du Chaos. Le sabre, les éléments et la magie seront réunis. Une vampire, une elfe et un sorcier tueront Masque de Mort. » "Nos chers enfants, voici enfin la vérité sur vos parents, voici notre histoire..." Alys...