Le lien du sang

Chapitre 28 : Trinité

Maïlys

Nous avancions rapidement dans le couloir, nos trois mains enlacées et nos trois cœurs battant à l'unisson.

Une seule pensée occupait notre esprit : accomplir la malédiction. Tuer Halcyon.

Nous le savions, toute notre vie avait tendu vers cet unique but. Tous ces jours passés à m'entraîner chez les Elfes pour devenir la meilleure des guerrières, ce n'était que pour me cacher qu'il me manquait quelque chose, que je n'étais pas complète. Je ne m'en étais pas rendue compte, et c'était seulement maintenant que je le comprenais, maintenant que je savais enfin pour quoi et pour qui j'étais née.

Je le savais aussi, Herod et Alysée ressentaient la même chose. De toute façon, nous n'étions qu'un, qu'un seul être, les trois facettes d'une personnalité unique. Depuis des siècles, nous étions faits pour nous retrouver et devenir cette personne unique.

Les battements de notre cœur résonnaient toujours, ils nous guidaient, lents, profonds et sereins. Nous marchions vers notre destin, vers la seule issue possible. Nous n'avions pas peur. Ensemble, rien ne nous faisait peur.

Nous parcourûmes le château avant d'arriver devant les cachots. Capturés par les gardes, Ana, Domitille et Hélios étaient au sol, le corps couvert d'hématomes. La culpabilité nous saisit et nous nous approchâmes, fixant nos amis avec inquiétude.

Tous les gestes se suspendirent, tous les regards convergèrent dans notre direction. Peut-être avaient-ils senti que nous n'étions plus vraiment les mêmes. Peut-être était-ce à cause de nos mains liées, de notre expression sereine et emplie de plénitude, ou encore de l'aura lumineuse qui nous entourait. Quoi qu'il en soit, tous se figèrent, les yeux écarquillés d'étonnement.

Nous levâmes la main et les gardes furent balayés soudainement, plaqués à terre par une force surnaturelle. Nous sourîmes à nos amis, soulagés, et nous mîmes alors à parler, d'une voix unique et étrange :

- Partez loin d'ici. La prophétie est en train de s'accomplir, et bientôt, Halcyon sera détruit. Partez, pour ne pas être blessés vous aussi. Nous tenons à vous plus que tout. Bonne chance.

Nous les fixâmes une dernière fois, d'un regard plein d'amour, avant de faire demi-tour et de monter vers Halcyon.

Nous gravîmes les nombreux étages du château d'un pas rapide et souple, comme attirés, tirés vers notre destin. Nous étions grisés mais d'un calme étonnant, fin prêts pour cette bataille à laquelle nous étions prédestinés.

Nous finîmes enfin par arriver devant la porte de la chambre d'Halcyon. Celle-ci était fermée à clé, mais nous posâmes nos mains sur la serrure et elle s'ouvrit docilement.

Nous n'hésitâmes pas ; poussant le battant, nous entrâmes dans la chambre de notre ennemi.

Halcyon était de dos, drapé dans des habits noirs, au milieu d'une pièce plongée dans une douce semi-obscurité. Face à son miroir, il contemplait son reflet, et nous eûmes le temps d'apercevoir le visage pâle et fatigué d'un homme qui vient de perdre l'amour de sa vie.

Puis il nous vit dans le miroir et il sursauta. Il se tourna lentement pour nous faire face. Le sorcier avait de nouveau cette expression froide et hautaine qui lui était familière, mais ses yeux brillaient de larmes contenues.

- Vous êtes venus pour me tuer ? demanda-t-il d'une voix froide et lasse, son regard ne quittant pas Alysée.

- Oui, répondîmes-nous, sans la moindre émotion ni compassion.

Il eut un soupir, tandis que ses épaules s'affaissaient légèrement.

- Je n'ai pas envie de me battre... Je ne peux pas.