5 - Nos petits cailloux.

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La sortie au lac m'ayant refroidie et mis le moral dans les chaussettes, j'ai décidé de ne pas sortir aujourd'hui, sauf pour le parcours en forêt. Je vais le faire ce matin, pour ensuite ne plus bouger de mon ordinateur.

Après le petit-déjeuner et une discussion avec mon oncle, comme tous les matins, j'enfile mes baskets, j'attrape le sac à dos qu'il a préparé et qui contient tout ce qu'il faut pour le parcours, et je file d'un bon pas dans la forêt.

J'ai un peu la tête ailleurs et j'essaie de penser à tout sauf à Shaun, sans vraiment y arriver. Sur le trajet, je passe devant notre rocher, et inévitablement, je ne peux m'empêcher de le regarder avec mélancolie. Mais lorsque mes yeux se posent dessus, juste à l'endroit où nous nous installions, la surprise me fait lâcher mon sac. D'un pas vif, je grimpe vite pour vérifier si je ne rêve pas.

Mais non. Avec surprise, je regarde ce que j'avais bien remarqué d'en bas, le petit caillou gris posé. Par Shaun. Je m'assois à côté et lentement, presque religieusement, je le prends pour le placer au creux de ma paume ouverte, et je l'admire. En terme d'émotions, c'est un véritable tumulte en moi. Après autant de semaines si difficiles depuis l'abandon de Shaun, et l'arrivée de sa méchanceté, c'est le premier signe qu'il m'envoie. Un caillou. Mais par n'importe quel caillou. C'est un de NOS cailloux, un code entre nous. Et qu'il l'utilise malgré tout ce qu'il m'a fait vivre ces derniers temps me fait monter les larmes aux yeux. Des larmes pour l'espoir qu'il me redonne.

Nos cailloux... J'en ai un petit sac dans un vase en verre dans ma chambre et quand je pose les yeux dessus, à chaque fois ma gorge se serre.

Le jour où le code des cailloux est né est très net dans mes souvenirs. C'était une très belle journée ensoleillée, mais douce, et nous étions sur notre rocher, allongés et enlacés, comme tous les jours de ces vacances d'il y a deux ans.

- Tu vois ce caillou ? m'avait-il demandé en me montrant la petite chose grise dans le creux de sa main.

- Euh... oui, c'est un caillou gris, ai-je souri.

- Non. C'est un baiser. Parfois, tu vas en trouver un, comme ça. Pour tout le monde, c'est juste un caillou. Mais pas pour toi, pas pour nous. Tu sauras qu'il est spécial parce que c'est moi qui l'aurais posé pour toi. Quand tu les trouveras, tu comprendras, a-t-il répondu avec un grand sourire en se penchant au-dessus de moi et de poser ses lèvres sur les miennes.

- Je préfère le baiser avec ta jolie bouche, c'est moins froid, l'ai-je taquiné.

- J'espère bien ! a-t-il fait semblant de s'offusquer. Mais celui-ci, tu l'auras quand je ne pourrai pas t'en donner un vrai, et tu pourras l'emporter et le garder.

- C'est mignon comme tout, mais ça fait gamin, non ?

- Peut-être, oui, a-t-il convenu en boudant. Pour les autres, c'est sûr même. Mais pas pour nous parce que nous saurons à quel point le message de ce caillou est fort, autant que ce qu'il y a entre nous. À nous d'en faire un message important et sincère, toujours. Et alors là, non, ce n'est plus un truc de gamin, c'est unique, comme nous. Pour nous, ça transforme le caillou en pépite.

Il a fini son explication en m'offrant un long et tendre baiser, un vrai, puis a voulu rajouter un détail à son code. En gros, le baiser représenté par le caillou change en fonction de la couleur. Plus le caillou est foncé, et plus le baiser est... humide, m'étais-je esclaffé à la fin de sa démonstration, parce qu'à chaque fois qu'il me disait une couleur, il m'embrassait pour me montrer à quel baiser cela correspondait. Et quand nous sommes arrivés au noir, j'ai cru mourir noyée et étouffée sous sa langue et notre mélange de salive.

En secret (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant