On ne se tenait pas encore la main dans la main ! C'était un timide, mon Mom' ! Et moi je savais pas trop comment y faire pour ne pas lui faire peur, ni paraître une fille trop audacieuse... et puis c'était la première fois que j'étais amoureuse. On parlait de musique, de télé : j'étais plutôt « Buffy», il était plus « NCIS» mais quand on veut s'entendre, y a pas de problème ; on se mettait d'accord avec « Malcom ». Je trouvais même de l'intérêt à l'entendre parler de foot ! Ses yeux se mettaient à briller quand il commençait à parler de Zizou, son idole depuis qu'il était petit garçon, ou de Benzema... Alors, il s'animait, faisait des grands gestes avec ses bras, se mettait à courir et faisait semblant de shooter. Quand il était avec nous, le plus souvent, Djamel lui emboîtait le pas et mimait une passe ou une interception ; leur petit jeu finissait toujours par une empoignade qui ressemblait à une embrassade. Leur promiscuité physique finissait par me mettre mal à l'aise. Un jour, je les interpellais :
« Ho là ! Vous n'avez pas fini de vous tripoter ? On va finir par vous prendre pour des pédés, à force ! »
Ils m'ont regardé interloqués. Djamel a stoppé net, les yeux dans les chaussures. Mom', après un moment d'indécision où je l'ai vu rougir, est venu vers moi en roulant les mécaniques :
« Qu'est-ce que t'as dit ? Tu veux que je te montre si je suis un homme ? »
Il m'a enlacé brutalement et m'a roulé un palot baveux... Ça n'avait rien d'agréable et encore moins d'amoureux. Ça ressemblait plus à une punition. Il me faisait mal tellement il me serrait fort. Les autres nous regardaient sidérés. J'ai réussi à le repousser. J'ai craché sa salive par terre et essuyé ma bouche :
« C'est bien ce que j'ai dit, tu te comportes comme un mec qu'aime pas les filles, qui veut juste paraître...»
Je l'ai vu devenir tout pâle.
« Excuse moi. » Je tentais de me rattraper. « Je voulais pas dire ça ! »
Il roulait des yeux furieux. Je cru qu'il allait me frapper. J'éclatais en sanglots. J'étais en colère, j'avais honte, j'avais peur. Je suis partie en courant, en pleurant. J'étais déçue aussi. Je pensais que tout était fini avant d'avoir commencé. D'un garçon violent ou frimeur, je n'en voulais pas. Je l'ai entendu me courir derrière moi. Il m'a rattrapé.
« Excuse moi. Je voulais pas te faire de mal. C'est que... ce que tu m'as dit ça m'a mis en colère... »
« Moi aussi, J'aurais pas du. »
« Tu sais, Djamel et moi, on se connaît depuis la maternelle, même avant. On est comme des frères... C'est vrai qu'on a tendance à s'embrasser et se rouler des palots. On a toujours fait ça, chahuter, s'embrasser... c'est pas parce qu'on est des garçons qu'on pourrait pas le faire !»
Il avait raison. Pourquoi avais-je réagi comme ça ? J'étais jalouse de sa complicité avec Djamel ?
« Mais les filles, vade retro ! Elles sont trop impures pour qu'on les touche ? »
Il a souri, un peu gêné.
« Non, pire, elles sont dangereuses... elles font naître des choses dans la tête des garçons, des désirs... » Son regard m'a embrasé. Il m'a enlacé, cette fois doucement, tendrement et son baiser était une caresse pleine de promesses. Les copains nous ont rejoints et ce moment est passé.
Après cela, difficile de marcher juste l'un à côté de l'autre. C'était les moments que je préférais, pourtant... c'était les moments les plus difficiles. Mon cœur se mettait à battre la chamade, des vagues chaudes déferlaient dans mon corps, me traversant de la tête jusqu'au bout des ongles. C'était délicieux... et insupportable ! On se touchait presque mais on ne se touchait pas. Quand nos regards se croisaient, ça faisait comme un choc électrique et nous nous dépêchions de regarder ailleurs... Ça aurait pu durer longtemps. J'étais sur un nuage. Tout allait bien, maman ne se doutait de rien. Je faisais plus rien d'autre que de penser à lui. Je flottais dans ma vie. Je vivais en apnée en attendant la sortie, pour le retrouver, simplement, dix minutes de bonheur, vingt-quatre heures d'attente.
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Mom' pour la vie
RomanceEléna a quinze ans quand commence son histoire. C'est la rentrée. Dans la cour du lycée, les yeux de toutes les filles sont braqués sur Mohamed, dit Mom'. Le thème du passage de l'adolescence est traité avec beaucoup de justesse. La vulnérabilité...