C'est à ma rentrée au lycée, en seconde, que j'ai rencontré Mom'.
Mohamed exactement, mais tout le monde l'appelait Mom'. On ne pouvait pas le rater, on ne voyait que lui. Grand, brun, on aurait dit le petit frère d'Antonio Banderas les mêmes cheveux noirs aux boucles accrocheuses caressant son front lisse, le regard sombre, trouble et caressant, la bouche ensorceleuse dessinant une moue lointaine qui me faisait rêver... Il avait mis un petit débardeur blanc sous une chemise ouverte, mais qu'il avait ôté dans la cour de récré ; ses épaules brunes luisaient sous le soleil. Un surveillant est venu le voir en lui demandant de la remettre. C'est vrai quoi ! c'était totalement indécent, cet étalage de belles chairs. Ses jambes étaient prises dans un jean « slim » qui accentuait sa minceur et sa musculature. Je n'en pouvais plus de l'admirer: des bras durs et gonflés comme des ballons, une poitrine rebondie, ses abdominaux en tablettes que l'on devinait sous le jersey fin du tee-shirt, son petit cul rond qui roulait à chacun de ses pas... Il devait en rajouter ! Il était comme à la parade et déambulait dans la cour avec affectation au bras d'un de ses amis. Deux autres ombres l'entouraient. Il était l'astre et ses trois copains ses satellites. Je crois que je n'étais pas la seule fille à baver devant son exhibition ! La compétition allait être rude mais j'avais un avantage, sans prétention, car j'étais blonde, une vraie, aux yeux bleus, à la peau blanche, aux longs cheveux ondulés ! Et même si j'étais mince, plutôt Nicole Kidman que Marilyn ! j'étais plutôt bien dotée. Pour revenir à Mohamed, Il souriait et avait l'air de celui qui ne voit rien, indifférent à l'attention qu'il suscitait, planant au-dessus de la foule des lycéens du commun. Sa bande était composée de rebeus comme lui mais pas un seul ne lui arrivait à la cheville. Dans les romans ou les pièces de théâtre, souvent, le héros est accompagné d'un ami confident, ou parfois d'un serviteur fidèle. Bah, lui, c'était pareil. Son meilleur copain, son alter-ego, son ami d'enfance, son frère de cœur, sa copie mais en moins belle, moins grande, moins tout, imparfaite et inachevée c'était Djamel... Pourtant question cœur et côté intelligence, il le valait bien... Mais dès ce jour-là ce fut pour Mom' que j'en pinçais et je restais aveugle à tout le reste.
La rentrée s'était déroulée banalement. Tous les élèves de seconde avaient été regroupés dans la cours de récré. La proviseure nous avait fait son speech en nous expliquant comment elle concevait la vie sous sa férule, ce qu'elle attendait de nous : ordre, respect, travail. Tout un programme. Pendant son discours, j'avais parcouru avidement des yeux les différents élèves, tentant de repérer une tête amie : j'aperçus Marion, tout devant, l'éternelle bonne élève mais bonne copine quand même. En fait, c'est Gaby que je cherchais, ma grande copine du collège. Je l'aperçus enfin tout à fait à l'arrière, nonchalamment appuyée contre une des colonnes du préau. Seule elle aussi. Je lui fis signe mais elle ne me vit pas.
Déjà les professeurs principaux procédaient à l'appel des élèves de leur classe. Je fus dans les premières à être appelée pour monter dans une salle de classe où cette interminable première journée débuta.
Ce fut à la récré de 10 heures que je remarquais Mohamed. J'en oubliais de passer aux toilettes tant je m'absorbais dans ma contemplation. Mais comment entrer en contact avec lui ? Cette question m'occupa l'esprit jusqu'à midi, plus que les propos du prof. Ce n'était pas gagné d'avance ! Je n'étais pas du tout du même quartier et nous ne venions pas du même collège, bien qu'une rue nous sépara. D'ailleurs on se demandait comment cette bande de maghrébins, pour parler politiquement correct, en fait je trouve que rebeus ou beurs c'est moins insultant ! Donc comment cette bande de rebeus avait atterri dans ce lycée ? On appelle ça le plan Ambition-Réussite, si j'ai bien compris : les bons élèves des collèges ZEP sont orientés dans les lycées généraux du coin... rien que de très normal en fait ? Peut-être parce qu'ils auraient préférés aller en lycée Pro. ? Cela aurait été dommage car je n'aurais pas rencontré Mohamed ni les autres... Je questionnais à droite à gauche pour en savoir plus sur lui. En fait, la tête de la bande, c'était surtout Djamel. D'ailleurs, par la suite, c'est lui qui en est sorti, de la cité. Mom', c'était le tombeur ! Fallait quand même qu'il suive, scolairement parlant, pour être ici mais j'appris vite que Djamel l'aidait, ainsi que ses deux ombres, Mouloud et El Hadj, qu'on appelle comme ça parce que sa mère est allée à La Mecque enceinte de lui. Il est saint sans avoir fait aucun effort pour l'être ! Drôle d'héritage !
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Mom' pour la vie
RomanceEléna a quinze ans quand commence son histoire. C'est la rentrée. Dans la cour du lycée, les yeux de toutes les filles sont braqués sur Mohamed, dit Mom'. Le thème du passage de l'adolescence est traité avec beaucoup de justesse. La vulnérabilité...