Le soir, elle vint taper à ma porte :
« Le dîner est servi. »
Je ne répondis pas.
Au bout de cinq minutes, elle recommença :
« Allons, viens manger ! »
Je ne répondais toujours pas.
« Bon comme tu veux, moi, je mange. »
Je finis par m'endormir, épuisée par les larmes et la colère. Dans la nuit, je me réveillais : j'avais faim. Mais je ne voulais pas courir le risque d'aller jusque dans la cuisine, j'étais sûre qu'elle y était et qu'elle m'attendait.
Je me sentais misérable, malheureuse, incomprise, prisonnière de ma mère. Je remâchais sa tyrannie, sa manie de vouloir tout savoir, ses contrôles permanents pour tout et rien, ses petites attentions, son amour... trop... trop étouffant, Je voulais respirer, vivre ! Je voulais qu'on m'aime vraiment, pour moi, pas pour me mettre en cage ! Je ne comprenais pas pourquoi elle éludait toujours mon père ; elle ne voulait jamais en parler. Je voulais le revoir. Lui il m'aimait. J'étais sûre que c'était elle qui l'avait fait partir, qu'il avait essayé de me voir mais quelle ne voulait pas qu'il vienne. Au début, il m'envoyait des cartes puis je n'en n'avais plus reçues. C'est elle qui les interceptait. Quand je lui avais demandé où il habitait, pour lui répondre, elle m'avait donné juste le nom de sa ville. Mue par une inspiration, Je sautais sur mes pieds et courus chercher ses courriers dans le tiroir où je les avais rangées. Le cachet de la poste indiquait le bureau centre de Chantetulle. Je cherchais fébrilement sur mon ordinateur. C'était du côté de Lyon. Un plan mûrissait à toute vitesse dans ma tête. Ma joue me brûlait toujours et je ne voulais plus la voir. Je voulais être ailleurs. Je voulais mon père. Je décidais alors de retrouver Mom'. Ça ne pouvait pas continuer comme ça. Ma mère, elle m'empêchait de vivre et moi, ce que je voulais, c'était Mom'. C'était mon père. Enfin, je savais plus vraiment ce que je voulais... Qu'on m'aime ? Eux, ils m'aimaient pour de vrai, j'en étais sûre, je le voulais de toutes mes forces. Je pris mon téléphone et je lui envoyais un message du genre « Urgent, rejoins moi au pied de chez toi, j'ai des choses à te dire ».
J'étais hors de moi. Une folie m'avait saisie et je me précipitais poussée par le fureur de sentiments qui me dépassaient.
Je sortis par la fenêtre et je contournais la maison. Il faisait encore froid, on était fin mars, et comme je rangeais mon manteau dans l'entrée, je n'avais pris qu'un gros pull qui laissait pénétrer l'air froid. En passant accroupie devant la fenêtre de la cuisine, je l'aperçue, assise à la table, la tête entre les mains. On aurait dit qu'elle pleurait. Je faillis revenir dans ma chambre. Non, quand même ! Même quand je ne suis pas avec elle, elle me fait du chantage. J'avais Mom' à retrouver, et mon père ; fallait pas que je me laisse attendrir par ma mère.
Je n'étais pas rassurée de me retrouver toute seule en pleine nuit dans la rue, avec tout ce qu'on racontait ! Surtout en arrivant à la Gabelle. Mais tout était calme. Tout le monde dormait, même les dealers, même les voleurs, même les violeurs de filles en détresse... et même les flics !
Mom' n'était pas là ! Je le rappelais.
« Qu'est-ce que tu crois, que je peux sortir comme ça ! Si mon père me pince ! »
« T'es qu'un trouillard ! Tu m'aimes pas !» je lui dis. Et je me mis à pleurer dans le téléphone. Il raccrocha. Dix minutes plus tard, il était en bas.
« Qu'est-ce que tu fous dehors, à cette heure là ? »
Je lui racontais ce qui c'était passé avec ma mère, la scène.
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Mom' pour la vie
RomanceEléna a quinze ans quand commence son histoire. C'est la rentrée. Dans la cour du lycée, les yeux de toutes les filles sont braqués sur Mohamed, dit Mom'. Le thème du passage de l'adolescence est traité avec beaucoup de justesse. La vulnérabilité...