Perte

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En fait on a attendu toute l'après-midi dans cette gendarmerie où on nous a interrogé individuellement. On m'a aussi examiné. Une gendarme a fait des prélèvements de toute sorte... puis on nous a embarqué tard le soir. De toute façon, j'étais dans le coaltar. Je savais plus où j'habitais... Seulement que Mom' était là et que j'avais sa main pour m'accrocher, ne pas couler. Il était bien Mom'. Il disait rien. Il me tenait seulement contre lui et de temps en temps, il me caressait la tête, comme pour dire « ça va aller, ce n'est qu'un mauvais moment à passer, on va se retrouver. » Il regardait fixement défiler la nuit, par la fenêtre de la portière. Je pleurais silencieusement agrippée à lui.

Puis on nous a séparé et Mom' est parti entre deux gendarmes...

Moi on m'a emmené dans une salle où j'ai attendu qu'on vienne me chercher... On, s'était maman. J'ai voulu oublier ces moments-là, cette fuite ridicule, ces raisons qui n'en étaient pas. Mon père qui m'avait repoussé. Etait-il bien mon père ? Qui était mon père ? Je ne comprenais plus rien à ce que j'avais fait, à ce qui me poussait, qui j'étais. Pourquoi Mom' m'avait suivi ? Si je l'aimais vraiment... Un roc inébranlable subsistait auquel tout à la fois je m'accrochais et tentais de rejeter : Maman.

Retrouver maman... non je l'ai pas retrouvée ; je l'ai perdue. Je voulais plus la voir, je voulais plus de cette mère. Je la haïssais, je la vomissais. Je voulais la dépecer, l'exploser, la piétiner, la déchirer en tout petits morceaux et l'éparpiller aux quatre coins du monde. Tout était de sa faute. Si je n'avais pas de père, s'il ne voulait pas me reconnaître. S'il ne voulait même pas me voir. Elle l'avait fait fuir pour me garder pour elle toute seule, faire de moi son objet, sa chose. Et pourtant dans ma vie, il n'y avait plus qu'elle. C'est étrange. A ce moment-là, Mom' a disparu de mon esprit et de ma vie ; je m'en suis à peine aperçue. J'étais dans mon trip, partie tellement loin, dans une insensée douleur qui me stupéfiait. Il n'y avait plus que maman qui m'envahissait. Dix fois, vingt fois par jour, elle rentrait dans ma chambre. Parfois elle ne disait rien, parfois elle me parlait calmement longuement, parfois elle criait, me prenait, me secouait, parfois elle pleurait seulement. Moi, je ne l'entendais plus. C'est comme si j'avais quitté ma vie. Je n'étais plus qu'une douleur, une incompréhension, une question : pourquoi il m'a abandonné ? Je buttais contre ça. Et pas d'explications, aucune, il n'y en a pas eu, ni de la part de maman, encore moins de celle de mon père. D'ailleurs, était-il bien mon père ? Etait-il celui que je cherchais ? Je recherchais qui ? Quoi ? Qui étais-je ? Pourquoi vivais-je ? Néant.


Mom' pour la vieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant