Au fur et à mesure que l'on approchait de l'arrivée, j'ai senti l'angoisse revenir et monter. En fait, je ne savais pas du tout comment papa allait nous accueillir ! Comment il allait accueillir Mom'. Je ne savais pas où on allait et je ne l'avais toujours pas dit à Mom'. Et enfin, le plus inquiétant, la dernière fois que j'avais vu mon père, je n'avais pas dix ans. Il avait continué à m'écrire pendant deux ans puis il n'avait plus donné signe de vie. Je n'avais que le nom que m'avait donné ma mère... Drôle de père que je tentais de retrouver.
« Mom', faut que je te dise : mon père, je sais pas où il habite. »
« Quoi ! T'es jamais allé chez lui ? »
« Non. C'est lui qui venait. »
« Normalement, y a un droit de visite ; ton père y dois venir te voir, t'emmener chez lui...
« C'est à dire que mes parents sont pas divorcés : ils ont jamais été mariés. »
« T'es une bâtarde ? ! »
Ça faisait mal à entendre... surtout dans ces termes-là. C'était vrai, en fait. Et je crois qu'il ne m'avait même pas reconnu puisque je portais le nom de ma mère. Cela m'effleura rapidement mais je ne voulais pas m'y attarder.
« Est-ce que tu le connais au moins, ton père !
« Quand même, je sais qui c'est !
« Ouais, mais tu sais pas où il habite ? Est-ce que tu sais au moins son nom !
« Mom' !...
« Vu où on en est ! Et si tu sais pas où il habite, pourquoi tu nous emmènes à Chantetulle?
« Parce que maman m'a raconté qu'il habitait ici et que c'est de là qu'il postait les lettres qu'il m'envoyait. C'est un ponte, mon père. C'est le fils du plus grand industriel de la région. Sa boite elle s'appelle T.S.S.C., Reyrieu et Fils. Le fils, c'est lui, et C. c'est pour Chantetulle, c'est la ville où il habite. Il faut reprendre un train pour y aller. » J'essayais d'être le plus crédible possible mais cette histoire sentait de plus en plus le moisi.
Arrivés à Lyon, nous avons attendu la correspondance. Nous avons mangé un sandwich. En fait, je n'avais pas trop faim. J'avais la gorge nouée. J'en ai laissé la moitié. Mom' aussi.
Nous avons pris une brouette qui s'arrêtait dans toutes les gares. Nous devions descendre au terminus.
Nous avons mis pied sur un quai un peu défoncé, sur une voie à l'écart. Le train stationnait là en attendant de repartir en fin de journée. Il était deux heures et demie. Il n'y avait presque personne. Il fallait prendre un passage souterrain qui sentait la pisse, comme tous les passages souterrains, pour sortir vers la gare et la ville. J'avais peur... peur de retrouver ce père que j'avais pas vu depuis des mois, des années, et peur de ne pas le trouver. Peur de cette ville inconnue où je ne savais pas comment le retrouver. Même la main de Mom' qui tenait la mienne ne parvenait plus à me rassurer.
Devant la gare, il y avait un car de flics qui attendaient en discutant. Ils nous ont dévisagé. Mon cœur a bondi. J'ai lâché la main de Mom' et j'ai sorti mon téléphone de ma poche. J'ai rappelé mon père. Toujours sa messagerie. Je lui ai laissé un message en lui disant que j'étais à la gare, que j'étais venue pour le voir et que je voulais qu'il vienne me chercher. Pourvu qu'il ne soit pas parti en voyage comme il avait l'habitude ! J'avais plus pensé à ça ! J'avais pensé à rien !
Mom' m'a demandé :
« Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
« On attend qu'il vienne nous chercher.
VOUS LISEZ
Mom' pour la vie
RomanceEléna a quinze ans quand commence son histoire. C'est la rentrée. Dans la cour du lycée, les yeux de toutes les filles sont braqués sur Mohamed, dit Mom'. Le thème du passage de l'adolescence est traité avec beaucoup de justesse. La vulnérabilité...