Je me suis réveillée dans une chambre inconnue. Un rideau rouge sombre tamisait la lumière. A peine éveillée qu'une infinie tristesse me tombait dessus. A côté de moi, la place était vide. Mom' était parti. Des larmes silencieuses commencèrent à couler et inondèrent mon visage, puis l'oreiller. Au milieu de la pièce, sur le grand tapis oriental, j'apercevais ma robe blanche et la couronne de fleurs chiffonnées. Une vague chaude tournoya dans mon ventre. Nos gestes d'amour me revenaient. Je sentais mon corps fourbu, mon sexe gonflé. Nous nous étions aimés mais nous n'avions rien dit. Mes larmes redoublèrent, le matelas commença à mouiller. Dans ma confusion j'entendis un grattement à la porte.
« Mom' ? »
La tête de Djamel apparut.
« Excuse moi, il se fait tard, il va falloir que j'y aille... Tiens, Gaby m'a donné ça pour toi. » Il entra et s'approcha du lit. En voyant ma tête il s'accroupit et me tendit un mouchoir sorti de sa poche.
« T'as le temps de passer à la douche. » Il me montra une porte à côté du placard. « Y'a des serviettes propres dans le placard. Je t'attends pour déjeuner : je prépare un thé et un café, à moins que tu veuilles un chocolat chaud ? »
« Non, ça ira, marmonnais-je »
Je le retrouvais dans une minuscule cuisine de l'autre côté du petit séjour.
« T'habites plus chez tes parents ? » demandais-je en m'asseyant tandis qu'il se levait pour prendre la théière et vérifier que le thé était bien infusé avant de me servir.
« Merci »
« Non, c'était plus vivable, j'pouvais plus continuer à étudier avec toute la marmaille. Et l'appart' de Mom' en face... J'ai un petit boulot, pour m'aider... chez le père de Mouloud : en se relaie tous les deux. Mes parents m'aident un peu mais ils ne peuvent pas grand chose. Je touche ma bourse plus une bourse au mérite. Et bientôt j'aurais mon alternance.»
« Quoi, toi Djamel, tu veux aller en apprentissage ? »
« Nan, en alternance, pour un B.T.S. électrotech... ou peut-être un D.U.T. mais l'alternance, c'est que la deuxième année. Après je continue, toujours en alternance, pour un diplôme d'ingé. »
« Tu te vois là ! T'as de l'ambition! »
« Je fais tout pour : je suis des cours par correspondance pour améliorer mon niveau en maths et en physique et puis je fais aussi un peu d'anglais à ma façon : je regarde plus les films qu'en version originale et même maintenant j'arrive à me passer des sous-titres en français. »
« Je te souhaite d'y arriver.»
« Je veux. Je veux plus être un beur minable à vivoter avec des trafics de merde. Je veux être dans le monde, dans la société, avoir une vraie place ; pas être obligé de tout le temps m'excuser d'être ce que je suis, d'en faire plus pour être accepté. Alors autant adopter d'emblée une nouvelle personnalité : je m'appelle plus Djamel mais Daniel. Avec le nom de famille que j'ai, ils savent plus trop si je suis un arabe ou un juif. En France, aujourd'hui, vaut mieux être juif que musulman. Un juif, c'est un occidental, pas un musulman : lui, il est toujours suspect d'être un intégriste, voir un extrémiste. »
Je ne sais pas si j'avais bien compris tout ce qu'il disait.
« Pour moi, tu seras toujours Djamel, le copain de Mom'. »
Il a tourné la tête et c'est levé pour porter sa tasse dans l'évier.
Quand il est revenu il m'a demandé :
« Je suis un peu ton ami, aussi ? Quand même !»
« Bah oui. Un vrai, sur qui on peut compter. »

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Mom' pour la vie
RomanceEléna a quinze ans quand commence son histoire. C'est la rentrée. Dans la cour du lycée, les yeux de toutes les filles sont braqués sur Mohamed, dit Mom'. Le thème du passage de l'adolescence est traité avec beaucoup de justesse. La vulnérabilité...