Chapitre 1

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Alessandro Greyver marchait d'un pas lent, dans le petite rue qui menait à la boulangerie, en bas de son collège. Il détestait être de corvée de "pain" comme ils appelaient ça, lui et sa sœur. Un simple geste - simple mais barbant - qui consistait à descendre à la vieille boulangerie des Cody qui se trouvait à à peine 100 mètres du collège St James Levy. D'ordinaire, c'était sa sœur qui s'occupait de cette corvée, après les cours... Enfin, sauf le mardi. Le jour où elle avait ses cours de théâtre. Aless n'avait jamais compris - et ne comprenait toujours pas - comment elle parvenait à s'intéresser aux petites choses de la vie réelle. Comment elle arrivait à suivre les cours sans s'endormir, comment elle pouvait parlait aux personnes avec animation et légèreté sans s'ennuyer des conversations de tous les jours, ou tout simplement comment elle faisait pour supporter sa vie. Une misérable vie, comme l'appelait Aless. Lui était toujours plongé dans un livre dont l'histoire contée la vie passionnante d'un héros au cœur pur, vivant dans un royaume où la magie était reine, ou, au moins, les animaux savaient parler. Où toute chose avait une histoire à raconter, et ne se contentait pas seulement d'être une... Chose. On lui avait toujours reproché cela : être rêveur. Combien de fois l'avait-on comparé à sa sœur - jumelle, qui plus est - qui elle était tournée vers l'avenir, s'intéressait d'un rien, savait dans les moindres détails qui elle était et ce qu'elle allait devenir ? Trop de fois pour qu'Aless s'en souvienne. Lui, il était complètement perdu dans cet univers beaucoup trop ennuyant à son goût, aucun cours ne lui convenait, il ne faisait rien de son temps libre - à part se terrer dans sa chambre où il y restait pour dévorer un livre d'heroic-fantasy... En fait, il ne pensait pas que ce monde était le sien. Ses seuls rêves avaient étés d'attendre de recevoir sa lettre d'admission à Poudlard, ou encore de découvrir, par chance ou par hasard, au fond d'un placard, un chemin vers un autre monde. Hélas, tous ses rêves étaient parti en fumée depuis plusieurs années, maintenant, abandonnant Aless à un monde triste où les jours se ressemblaient tous les uns les autres.

Mais, heureusement, il y avait sa sœur. Madoka. Une jeune fille pleine d'ambition et d'énergie, qui avait toujours le don de le sortir de sa torpeur ennuyante en lui faisant aimer sa "misérable" petite vie. Parfois, même, elle le disputait, ne cessant de lui répéter qu'il avait de la chance d'avoir une famille sur qui il pouvait compter, et de vivre dans un pays où chacun pouvait devenir celui qu'il voulait être. Et c'est souvent en se répétant ses paroles dans sa tête qu'Aless arrivait à s'intéresser, un peu plus chaque jour, aux petites choses lassantes de la vie courante.

Il entra dans la boulangerie, laquelle embaumait le pain chaud et la crème fraîche. Mme Cody, une femme âgée de la cinquantaine, et dotée d'une grande générosité, l'accueilli avec chaleur :

-Bonjour, mon p'tit Sandro ! Comment vas-tu, aujourd'hui ? As-tu rencontrer un troll, en venant par ici ?

Aless sourit sous sa grosse écharpe. Mme Cody était l'une des rares personnes à accepter son côté "disciple de la magie" et c'était toujours avec joie qu'elle se mêlait à de petites plaisanteries que le jeune garçon acceptait de bon cœur. Elle n'était pas comme son mari, au moins, un homme aussi barbu qu'un nain, mais dont la hauteur égalait celle d'un géant, et pour qui les mots "extraordinaire" ou "magique" ne faisaient pas parti de son vocabulaire ! C'était pourquoi il préférait laisser la corvée de "pain" a cette chère Madoka qui avait plus l'habitude des grandes personnes un peu trop sérieuses. Mais là - coup de chance ? - Mr Cody n'était pas à la caisse, ce mardi-ci. Il se laissa donc servir deux baguettes tièdes par la femme, laquelle commençait à lui raconter une histoire de choux à la crème tournant à l'horreur. Il ne dit rien, ce contentant de l'écouter poliment et de rire à certains passages, puis de la payer à la fin. Mme Cody le salua, tendit qu'il partait, ses deux baguettes sous le bras. Elle ne s'offusqua pas de son silence, sachant que le garçon aimait à rester timide et discret. Celui-ci accéléra l'allure, marchant d'un pas dynamique dans les rues dont les boutiques commençaient déjà à illuminer  leurs vitrines de lumières dorées. Le vent se leva, obligeant Aless à resserrer son écharpe autour de son cou. On était à peine la mi-Novembre que déjà le ciel semblait prêt à lâcher sur la population du dessous ses minuscules flocons de neiges d'un blanc presque aussi lumineux que la chevelure d'Aless lui-même. Le jeune garçon claquait des dents, se réconfortant en pensant au bon chocolat chaud qu'il se ferrait, une fois rentré chez lui, et au bon livre fantastique qu'il avait laissé - à contrecœur - à un passage décisif où le héros prenait connaissance de ses super-pouvoirs. Sa clef à lui vers un autre monde.  

Aranïi tome 1 : Les héritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant