Chapitre 9

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La douleur était insoutenable. Elle lacérait le crâne de Maddie, gelant au passage cerveau et neurones. Cela avait commencé le matin même, mais, comme il ne s'agissait que d'une douleur superficielle, la jeune fille ne s'en était pas plaint. Elle était donc parti au collège - sans son frère, hélas, qui préférait rester dans sa chambre - et la journée avait pu commencer. La matinée avait filé sans problèmes, mais, dès le midi, Madoka avait ressentie des frissons partout sur tout le corps et c'était là que la migraine s'était faite agressive. Ses amies lui avaient conseillé d'aller à l'infirmerie, mais la jeune fille leur avait assurée que c'était simplement le temps froid, et que cela allait passer. Sauf que ce fut tout le contraire : à la première heure de cours de l'après-midi, d'horribles maux de ventres s'étaient joins à la migraine. Sa peau s'était alors gelée, donnant l'impression à Madoka d'avoir plongé dans un lac glacé. Elle avait levé fébrilement sa main, demandant la permission d'aller aux toilettes. Mr Curtis - professeur de sciences - la voyant blanche comme un linge, ne put le lui refuser. Elle s'était ruée dans le hall, des lames acérées lui broyant intestins et boîte crânienne. Ce fut une fois seule, enfermée dans la première cabine dans laquelle elle s'était jetée, que Maddie avait régurgité petit-déjeuner et déjeuner. Après avoir tiré la chasse d'eau, elle était ressortie, grelotante et blême, à l'image d'un fantôme immergeant des enfers.

Madoka se pencha au dessus d'un des lavabo, et bu quelques gorgées, tout en s'aspergeant le visage d'eau fraîche. Elle se sentait déjà un peu mieux, même si la sensation de froid restait présente. Qu'avait-elle, d'un coup ? Cela faisait depuis un bon bout de temps, maintenant, qu'elle n'était pas tombée malade. Mais bon, l'hiver étant précoce, cette année... Et le corps humain avait parfois des réactions bizarres, face aux brusques changements de météo. Ça devait être cela...

La jeune fille agrippa les bords du lavabo, tout en respirant longuement. Un peu de calme et de relaxation ne lui ferait pas de mal. Elle s'apprêta à rejoindre sa classe, quand une sensation étrange la sortit de sa "méditation". Du froid... Qui n'avait rien à voir avec celui du lavabo. Et un craquement léger. Maddie baissa lentement la tête vers ses mains, et vit avec effroi... De la glace sortir de celles-ci. Elle avançait lentement, dessinant sur les bords du lavabo des arabesques scintillantes, qui auraient pu être magnifiques dans un autre contexte. Mais le mot "magnifique" n'était pas présent dans l'esprit de Madoka, à cet instant. La jeune fille regardait, sans bouger, le givre filer de ses paumes, laissant des traînées presque transparentes dans sur les bords de céramiques.

Du givre.

De la glace.

Qui... Sortaient... Des... Mains... De... Madoka.

C'est alors qu'elle hurla. Un cri de terreur, d'épouvante, à vous glacer le sang. Dans son élan, la jeune fille bondi de deux mètres en arrière, se plaquant contre une porte en bois à la peinture écaillée. Il ne fallu pas longtemps pour que celle-ci se recouvre de glace. Affolée, Madoka se détacha de la cabine dans un mouvement brusque, envoyant valser un jet glaçant, lequelle alla percuter les murs. Lesquels se hérissèrent de piques, leur glace recouvrant le sol par la même occasion.

La jeune fille glissa et tomba, en larmes. Elle retenait, tant bien que mal, un autre hurlement. Le premier avait dû alerter du personnel, et si on la trouvait ici, entourée de toute cette glace...

Madoka s'obligea à se lever. Elle ne pouvait pas rester ici. Il fallait fuir, et le plus vite serrait le mieux. Alors, elle laissa les toilettes des filles gelées, et se mit à courir. De toute façon, que pouvait-elle faire d'autre ? Rien. Rien, sinon quitter le collège. Elle traversa la cour à toute vitesse, escalada le portail, et poursuivi sa course dans les rues. L'angoisse lui martelait le crâne, lui brûlait les poumons, faisait battre l'adrénaline dans ses veines. Tant pis si ses affaires étaient restées dans la salle de Mr Curtis, tant pis si quelqu'un l'avait vu fuir. Tout ce qu'elle désirait, c'était retourner chez elle. Des larmes coulaient de ses yeux, sans qu'elle puissent les retenir. Elle se rendit compte qu'elle pleurait beaucoup, ces temps-ci.

Que m'arrive-t-il ? Que m'arrive-t-il ?

Pour une fois, elle se sentait impuissante, elle ne comprenait pas ce qu'il lui arrivait. Depuis qu'elle était petite, Madoka savait toujours avec précision ce qu'elle faisait, ce qu'elle allait faire, qui elle allait devenir. Elle avait toujours la main sur la situation, sachant la maîtriser avec calme et perspicacité. Mais là... Ça la dépassait totalement. Elle venait de givrer les toilettes. De la glace s'était échappée de ses mains. De ses mains. Comment ? Se fut la terreur qui lui répondit. Elle s'installa dans ses pensées, prit possession de ses muscles, de ses cellules, de tout en elle. Les larmes de la jeune fille doublèrent. Son cœur fut prit en étau entre l'incompréhension et le désespoir.

Soudain, alors qu'elle se rapprochait de chez elle, Maddie fut traverser par un éclair tellement vif qu'il en éclaira la vérité : et si ce qui arrivait à Alessandro était semblable à ce qu'elle venait de vivre ? Cela expliquerait son isolement soudain...

Ses jambes la propulsèrent plus loin, plus vite. Une lueur d'espoir réchauffait son cœur perdu, mettait un peu d'ordre dans son cerveau embrumé. La jeune fille devait parler à son frère. Elle était persuadée qu'il était victime de cette même situation. Il devait se sentir abandonné, désorienté. Mais cela allait s'arranger. Ils avaient toujours vécu le meilleur comme le pire. Ils allaient trouver une solution.

Aranïi tome 1 : Les héritiersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant